L’interaction, dans un jeu vidéo, est l’essence même de la partie. D’un côté, elle repose sur un dilemme, proposé par le jeu en lui-même. Et d’autre part, par l’action que va mener le joueur pour justement résoudre ce dilemme. C’est le rassemblement de ces deux principes, associé à la technologie mise à disposition, qui fait la spécificité de cet amusement.
Un modèle cyclique
Une interaction, dans un jeu vidéo, peut se définir comme la combinaison entre une décision et une action. En effet, la prise de décision du joueur va se convertir dans une action, quelle qu’elle soit. Le fait de trancher, de décider, va induire une réaction. Dans un modèle vidéoludique, l’interaction est effectivement au cœur du jeu, car elle sert de lien dans un schéma qui est composé de quatre étapes : le but, le moyen, l’opposition et la conséquence. Elle représente, de ce fait, les moyens que le joueur possède pour résoudre l’opposition.
Ce modèle est cyclique à tous les niveaux. On le retrouve partout :
- que ce soit dans une partie globale : enchaînement de courses de voiture dans un championnat, campagne de batailles qui se succèdent, ou de « cartes » dans un jeu de stratégie ;
- dans une action simple : dans un jeu d’arcade, sauter sur une plateforme ; dans un jeu de course, appréhender un virage ;
- en passant également par l’épreuve : réaliser une quête secondaire dans un jeu de rôle, passer un « niveau » dans un FPS.
Toutes ces actions sont la répétition de ce schéma fondamental.
Ce modèle est aussi imbriqué, puisque les étapes comprennent elles-mêmes chaque étape du modèle. Par exemple, sauter sur une plateforme est un but. Le joueur doit utiliser ses capacités ou les moyens mis à sa disposition. Grâce à cela, son avatar va pouvoir réussir à passer les obstacles, ou oppositions, qui sont mis en place par les concepteurs du jeu. Il pourra ensuite, par conséquence, passer à l’étape suivante et arriver sur une autre plateforme. La phase irréductible est la boucle de gameplay fondamentale, autrement dit : l’action.
L’ensemble des actions constitue une épreuve, qui constitue à son tour la partie de jeu. Et chacune de ces parties possède un but, qui contraint le joueur à chercher le moyen de l’obtenir. Autrement dit, le joueur doit trouver la stratégie appropriée, le moyen, pour mener à bien sa réalisation, son opposition. À la suite de cela, il peut apprécier sa réussite et l’évaluer (conséquence).
On peut constater qu’une décision est à la fois une certaine ébauche à l’action, mais aussi sa condition. En revanche, l’action est la mise en œuvre et la matérialisation de ce qui a été imaginé.
Les différents choix d’interaction
Une décision ludique se différencie de la décision dans la vraie vie en ce qu’elle est totalement interactionnelle. Elle est à la fois décision et action, choix et réaction. Mais aussi parce qu’il faut agir souvent rapidement : on est confronté au retour d’expérience immédiate par le fait que l’on se mesure à un environnement (défi) ou à un adversaire (compétition). Sid Meier (créateur de jeu), dit par rapport à cela :
"Un jeu est une suite de choix intéressants. Dans un choix intéressant, aucune alternative n’est clairement meilleure que les autres, mais celles-ci ne sont pas uniformément attractives, et le joueur doit être à même de choisir en connaissance de cause."
Ce qui veut dire qu’un choix intéressant est souvent un choix difficile. Et cette difficulté reflète l’intérêt de toutes les options offertes qui interagissent entre elles.
Le choix interactionnel est rendu par les critères suivants :
- Inévitable : une succession de choix oblige à se positionner dans un laps de temps court, sans prendre de recul, sans peser le pour et le contre de chaque opportunité. Ce paramètre oblige le joueur à plus utiliser son intuition que sa réflexion. Son premier choix doit être le bon. Cette manière de voir les choses, caractéristique d’un choix ludique pour un humain, est ce qui le différencie d’une machine. Cette dernière étant en effet capable d’anticiper toutes les solutions possibles, en une fraction de seconde.
- Équitable : aucun choix n’est forcément meilleur que les autres. Par exemple, avec l’expression « la bourse ou la vie », nous ne sommes pas confrontés à un dilemme. La première option n’a aucun poids sans la seconde. Les options doivent donc être équivalentes pour que l’hésitation soit suscitée. Ainsi, notre décision à un réel impact lorsqu’elle se prononce pour un choix plutôt qu’un autre.
- Ambivalent : un choix à la charge d’être une « bifurcation ». Il doit engager le joueur dans une voie plutôt qu’une autre. Tant qu’il n’a pas pris sa décision, il reste à équidistance de chaque opportunité. Décider, c’est ainsi s’éloigner des incertitudes pour se rapprocher de l’option choisie. De cette manière, choisir est à la fois un bénéfice et une perte, qui rend ce choix plus important encore : le joueur ne se confronte plus à la potentialité de l’indécision.
- Incertain : de ce fait, aucun choix n’est réellement meilleur qu’un autre. Si les options sont explicites, puisque tous les choix possibles sont connus, il demeure pourtant une incertitude. C’est en cela que consiste la prise de risque.
- Irrémédiable : le joueur se doit d’être averti des résultats, positifs ou négatifs, que son choix va entraîner. Si les conséquences ne sont pas irrémédiables, le joueur doit être en mesure de tester différentes stratégies pour résoudre son problème/défi.
Ce sont ces cinq critères qui définissent un dilemme ludique ou vidéoludique. Vous n’êtes pas forcément confrontés à tous ces critères en même temps pour autant. Il faut préserver la courbe de rythme de jeu et ainsi alterner des moments de détente et des moments de tension. Le moment où vous êtes le plus susceptible de tous les rencontrer, est au moment du climax, afin de vous mettre dans un état de tension indispensable au paroxysme de votre partie de jeu. Et vous, êtes-vous du genre à agir dans le feu de l’action, ou préférez-vous plutôt réfléchir avant d’agir ?