En quoi les comportements toxiques affectent-ils les joueurs ?

En quoi les comportements toxiques affectent-ils les joueurs ?

En quoi les comportements toxiques affectent-ils les joueurs ?

Attention, cet article peut contenir des propos choquants et intolérants ayant uniquement un but éducatif pour illustrer certains comportements toxiques. Ils ne reflètent en aucun cas la pensée des membres de l’association Game’Her.

Saviez-vous que les comportements toxiques au sein des jeux vidéo sont la deuxième raison pour laquelle les joueurs décident d’arrêter de jouer juste après la difficulté ?
Je pense que la grande majorité des joueurs de jeux multijoueurs ont expérimentés des comportements toxiques. Ce moment où vous jouez tranquillement à un jeu en ligne comme League of Legends, Overwatch, Tom Clancy's Rainbow Six : Siege, … et tout d’un coup un ou plusieurs joueurs se mettent à s’insulter, à avoir des propos discriminatoires (racisme, sexisme, homophobie, etc.) que ce soit par écrit ou à l’oral en fonction des jeux.
Ce qui est étrange, puisque ce genre de comportements ont moins tendance à se produire dans la vraie vie (attention je ne dit pas que ces comportements n’existent pas, simplement qu’ils sont moins fréquents IRL).
Pourquoi sommes-nous si disposés à intimider, harceler les gens d'une manière que nous ne considérerons jamais dans la vie réelle ?
Et quelles actions peut-on mettre en place pour mettre fin à ces comportements toxiques ?

Qu’est-ce qu’un comportement toxique ?

Avant de vouloir répondre directement aux premières questions, il est indispensable de définir ce que l’on considère comme étant un comportement toxique.
Lorsque l’on demande à des joueurs à quoi correspondent, pour eux, des comportements toxiques nous retrouvons cette liste :

  • Abus verbal
  • Propos discriminatoires, racistes, sexistes, homophobes, …
  • Tricherie
  • Arnaques
  • Mauvais joueur / mauvais perdant
  • Intimidation
  • Cyber-harcèlement

L’abus verbal est là pour baisser volontairement ou non l’estime de soi d’un autre joueur. Ce sont généralement des insultes pouvant contenir des propos discriminatoires, racistes, sexistes, homophobes, etc. L’abus verbal peut être à la fois écrit et oral. En effet, certains jeux offrent la possibilité aux joueurs de communiquer entre eux au travers d’un chat écrit et/ou oral.

Dans l’abus verbal, on peut aussi parler de propos discriminatoires qui sont aussi très souvent utilisés. Bien souvent la plupart de ces propos sont sexistes et homophobes en témoigne la série de vidéo “OMG A GIRL” réalisée par Spawntaneouss dans laquelle elle met en avant les commentaires sexistes tous plus déplacés les uns que les autres provenant de ses alliés. Toutefois, beaucoup d’autres propos racistes, antisémites, etc., sont eux aussi utilisés par les alliés et les ennemis.

La tricherie est aussi considérée comme un comportement toxique, notamment quand elle est utilisée dans un jeu multijoueurs. Pour en savoir plus sur pourquoi nous pouvons considérer la triche comme un comportement toxique, je vous invite à lire l’article écrit par Joichiro sur le sujet : “Pourquoi et comment les joueurs trichent ?”.

Nous pouvons aussi évoquer les arnaques. En effet, c’est un comportement qui nuit directement à l’expérience de jeu d’un joueur. Cela est d’autant plus vrai dans les jeux en ligne multijoueurs où l’on peut commercer et échanger des objets entre joueurs, en se faisant passer pour quelqu’un d’autre pour obtenir des avantages ou pour du vol de biens virtuels.

Parlons maintenant des mauvais joueurs. On a tous déjà joué à un jeu où des joueurs ont commencé à être désagréables parce que la partie ne prenait pas la tournure qu’ils espéraient. Ces mauvais joueurs vont donc ruiner l’expérience de jeu que ce soit en faisant du feeding intentionnel (en se faisant tuer volontairement par les ennemis pour leur permettre de gagner facilement plus d’argent, de compétences, d’expérience…), ou en faisant de l’abus verbal.

L’intimidation est aussi une forme de comportement toxique que l’on retrouve souvent dans les jeux vidéo multijoueurs. Prenant principalement la forme d’abus verbal, cela peut aller jusqu’à des menaces de torture, de viol, voire de mort.

L’ensemble de ces comportements toxiques peuvent être considérés comme étant du cyber-harcèlement.

Le cyber-harcèlement est une forme de harcèlement conduite par les technologies numériques de communication (Internet, SMS, Appels…). Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. 

Pourquoi existe-t-il des comportements toxiques ?

Maintenant que nous avons étudié et mis en avant différents comportements toxiques, essayons de comprendre pourquoi est-ce qu’ils existent.

Ce qu’il faut comprendre dans les jeux vidéo en ligne multijoueurs, c’est qu’il y a un effet d’inhibition ainsi qu’un effet de foule. Avec l’anonymat que nous confère un pseudonyme, nous sommes plus aptes à avoir des comportements toxiques parce que nous avons ce sentiment de ne pas pouvoir être retrouvé parmi toute la masse de joueurs ayant eux aussi ce genre de comportements. Nous avons aussi plus tendance à blâmer les autres joueurs pour nos propres erreurs.

Ce qu’il faut savoir c’est que quelque part nous avons tous un comportement toxique lorsque l’on joue à ce genre de jeu sans même s’en rendre compte. Je m’explique, la toxicité dans les jeux vidéo est quelque peu devenu la “norme”. Il ne se passe pas une seule partie de n’importe quel jeu vidéo multijoueur en ligne sans qu’il n’y ait au moins une insulte (que ce soit par vocal ou par écrit). Et même si nous ne le montrons pas directement à nos coéquipiers et/ou ennemis, nous pouvons avoir des pensées ou des actions toxiques de notre côté sans forcément les transmettre.

Et cette toxicité, en devenant la norme, s’est rendue contagieuse. Lorsque l’on est un nouveau joueur et que l’on souhaite s’intégrer rapidement, on a tendance à adopter les comportements des “plus anciens”. C’est ce que nous faisons depuis toujours, nous apprenons par mimétisme en copiant les gestes / actions / paroles des plus grands. Un enfant pour apprendre à marcher va imiter ses parents, de même que pour parler. C’est exactement la même chose qui se passe dans le jeu vidéo. En prenant conscience qu’être toxique nous permet de mieux nous intégrer, et bien nous allons nous aussi devenir toxique.

Ces comportements toxiques existent depuis bien longtemps et seront toujours présents notamment à cause de l’absence de conséquence / punition concrète pour les joueurs dans la vie réelle. Ils se font chat restrict (limitation du chat écrit et/ou vocal), se font suspendre temporairement ou définitivement mais tout cela ne sont que des solutions en jeu. Et ces comportements sont d’autant plus fréquents quand l’enjeu est important, les joueurs sont davantage anxieux et plus sensibles. Les esprits s’échauffent vite et il n’est pas rare que ce soit dans ces moments que les comportements toxiques surgissent.

Mais ce qu’il faut savoir c’est aussi parce qu’en tant que joueur nous n’avons pas tous les mêmes attentes d’une partie de jeu. Certains pensent faire une partie occasionnelle et casual alors que pour d’autres joueurs, cette même partie sera compétitive. Ce problème de compréhension entraîne donc des comportements non tolérables à cause de la frustration que certaines parties de jeu peuvent causer. 

Quelles sont les solutions à mettre en place ?

Les développeurs et éditeurs de jeux ont compris les enjeux de réduire les comportements toxiques dans leurs jeux vidéo. Ils ont notamment embauché des équipes d’études comportementales comme la “Player Behavior Team” de Riot Games composée de neuro scientistes, psychologues et experts en sciences cognitives. Ces équipes ont pour objectifs d’étudier les comportements toxiques des joueurs dans l’optique d’essayer de trouver des solutions à mettre en place afin de limiter ces comportements.

Ainsi des systèmes de signalement ont été mis en place dans différents jeux, mais aussi le fait de pouvoir voter pour expulser un membre de la partie dans d’autres jeux. Dans le premier exemple on peut parler de League of Legends qui propose aux joueurs de signaler les joueurs ayant eu des comportements toxiques. Dans le second exemple on peut parler de CS:GO qui propose aux joueurs de voter pour expulser des membres peu sympathiques lors d’une partie. Bien entendu, ces systèmes ont leurs failles, toutefois ils ont le mérite d’être existants.

Concernant les problèmes de tricherie, des éditeurs de jeux ont pensés à des solutions. On peut notamment parler de League of Legends qui ferme le jeu lorsque qu'un programme du nom de Cheat Engine est ouvert. On peut aussi parler de Valve (Steam) qui a mis en place un système détectant les tricheurs nommé VAC (Valve Anti-Cheat). C’est un système automatique chargé de détecter les méthodes de triches installées sur l'ordinateur d'un utilisateur. Si un utilisateur se connecte à un serveur sécurisé par VAC depuis un ordinateur avec des logiciels de triches reconnus, le système VAC interdira tout nouvel accès à tout serveur sécurisé par VAC à cet utilisateur dans le futur.

Pour plus d’informations je vous invite à vous rendre sur la FAQ de Valve.

Des actions ont été mises en place, notamment avec la Fair Play Alliance qui regroupe de très grands acteurs de l’industrie vidéoludique. Ce groupe a pour but de centraliser l’ensemble des données et informations que possèdent ces acteurs de l’industrie vidéoludique pour essayer de trouver des solutions aux problèmes de comportements toxiques. Ensemble ils cherchent à créer une expérience de jeu agréable pour tous.

Dans un article précédent, je vous avais parlé des jeux vidéo qui s’attaquent à la blockchain. Ubisoft a organisé, en juin 2018, un hackathon pour réfléchir à l'impact potentiel de la technologie de la blockchain sur l'industrie du jeu vidéo. Deux frères, Pierre-Loïc et Victor Pichon, ont pensé à une solution liant blockchain et système de signalement. Dans leur idée, chaque joueur doit signaler et/ou honorer des joueurs, ces données sont ensuite stockées et chacun possède un score de “e-réputation”. Grâce à ces scores de “e-réputation”, il sera possible de faire en sorte que lors des matchmakings, les joueurs amicaux ne se retrouvent pas avec des joueurs considérés comme toxiques. Pour en savoir plus, je vous invite à vous rendre sur le lien de l’article co-écrit par Pierre-Loïc et Victor Pichon sur medium : Comment la blockchain pourrait résoudre la toxicité dans les jeux vidéo multijoueurs.

Après m’être renseignée auprès de certains joueurs, ces derniers estiment qu’ils préfèreraient que les joueurs amicaux soient récompensés plutôt que de pénaliser les joueurs toxiques. Selon eux, s’il y a autant de comportements toxiques c’est parce qu’il n’y a aucun avantage à être un joueur amical. Bien que Riot Games ai tenté d’intégrer un système de récompense dans son jeu League of Legends avec les paliers d’honneur, ces derniers n’offrent que très peu d’avantages aux joueurs amicaux. C’est pourquoi, je pense, que pour résoudre le problème de la toxicité dans les jeux vidéo il faudrait quelque part réaliser des actions en étroite collaboration avec les joueurs pour comprendre leurs envies, quitte à faire de l’innovation participative.

Comme nous pouvons le constater, le problème des comportements toxiques dans les jeux vidéo reste malheureusement d’actualité. Afin de changer cela, il faudrait que nous prenions conscience de ce qui peut nous rendre toxique. De cette manière, en détectant cela auparavant on peut alors prendre le temps de mieux réagir lors de certaines situations.
Pour compléter cet article, je vous invite fortement à aller lire l'article de Jenny Shi : "What inclusion means to player". 

 
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Noëlie
Noëlie

Je suis une ancienne frontend engineer, devenue consultante en accessibilité numérique. Je suis passionnée par l'inclusion et travaille avec des entreprises pour créer des expériences numériques accessibles à tous. En plus de mon travail de consultante, j'interviens également pour former les étudiantes et étudiants sur l'importance de l'accessibilité web. Je suis également intéressée par l'accessibilité des jeux vidéo et cherche à sensibiliser l'industrie à ce sujet.