Le troisième épisode de notre série consacrée aux genres du jeu vidéo va nous plonger à l’origine des jeux Rogue-like («Inspiré de Rogue»). Caractérisé par des niveaux générés procéduralement, un gameplay tour par tour et une mort permanente du personnage en cas de game-over, ce genre est très facilement reconnaissable. Mais comment s’est-il démocratisé ? Pourquoi plaît-il, bien que les joueurs doivent tout recommencer depuis le début lors d’une mort ?
Rogue : Créateur du genre
Le premier jeu ayant défini le genre est Rogue (1980). Dans ce titre, le personnage part à la recherche de l’Amulette de Yendor située dans l’étage le plus bas d’un donjon. Inspiré des jeux textuels comme Star Trek (1971) et Colossal Cave Adventure (1976) mais aussi des jeux de plateau à la Donjons & Dragons, les joueurs doivent combattre des volées de monstres à travers les niveaux et prendre des décisions stratégiques afin d’éviter une mort à tout moment. Le personnage commence toujours à l’étage le plus haut du donjon et les monstres deviennent de plus en plus puissants et résistants au fur et à mesure que le joueur ou la joueuse progresse. Mais cette description ressemble beaucoup à d’autres jeux d’aventures de l’époque comme Dungeon Master (1987). Quelles caractéristiques furent à l’origine du genre ‘Rogue like’ ?
Le gameplay
A la manière des RPGs, les joueurs peuvent, la plupart du temps, choisir leur classe et leur style de jeu dans les rogues-likes. Du mage à l’archer, en passant par le guerrier et d’autres, nous pouvons choisir la manière d’aborder les dangers que l’on rencontre. Les donjons sont générés procéduralement à chaque nouvelle partie et les nombreuses salles et monstres créés par les développeurs sont arrangés aléatoirement afin que chaque aventure soit unique.
Une autre caractéristique est que chaque mort est permanente. Les joueurs doivent recommencer l’intégralité du jeu. Les sauvegardes ne permettent que de mettre le jeu en ‘’pause’’ et toute sauvegarde existante est effacée lors de la mort du personnage. Cette particularité fut créée pour rendre le jeu plus immersif afin d’obliger le joueur à réfléchir à tous ses mouvements ; chaque erreur étant possiblement fatale. Afin que le joueur ne soit pas frustré par un manque de rapidité sur ses actions, tous les jeux du genre sont en tour par tour et chaque choix et rencontres peuvent être résolus de plusieurs manières. Par exemple, une porte verrouillée peut-être crochetée, enfoncée, voire même évitée en passant par un autre chemin. Le jeu au tour par tour offre donc la possibilité de réfléchir afin de prendre la meilleure décision.
Les Rogue Like sont souvent comparés au genre Hack’n’Slash car les monstres rencontrés doivent être tués afin de continuer l’aventure, sans autre choix possible. Enfin, les objets rencontrés pendant chaque run (chaque nouvelle partie est appelée ‘run’) ont des descriptions vagues et parfois aléatoire. Une "potion verdâtre" pourra avoir un effet guérisseur dans une run, puis un effet toxique dans une autre. Ces consommables sont rares et doivent être utilisés avec parcimonie afin de progresser dans le jeu.
Les rogues likes classiques
Reprenant les codes de gameplay de Rogue, de nombreux jeux firent leur apparition sur le marché à la manière de Hack en 1982. L’objectif de ce jeu était de s’inspirer de Rogue tout en l’améliorant, comme par exemple en permettant la sauvegarde d’un agencement de niveau une fois terminé. Son nom est basé sur l’inspiration Hack’n’Slash, mais aussi sur le fait que les développeurs du jeu ont “hacké” le code source de Rogue, car les créateurs de ce dernier ont refusé de le fournir. Ce jeu fut à l’origine de nombreux jeux par la suite comme NetHack (1987) ou Ancient Domains of Mystery (1994).
De la même manière, Moria (1983) reprit tous les codes de Rogue en apportant quelques améliorations. L’une d’entre elles fut la possibilité d’acheter des objets en ville à l’aide d’une monnaie ; les objets n’étant donc plus réduits qu’à l’aléatoire du loot.
Hack et Moria sont des classiques du genre rogue–like et certains jeux reprennent tellement leurs codes qu’ils sont respectivement appelés Hack-based et Moria-based.
La réussite des genres hybrides (ou rogue-lite)
Récemment, des jeux hybrides ont eu l’audace de mixer le rogue-like avec d’autres genres. Les précurseurs sont Strange Adventures in Infinite Space (2002) et sa suite Weird Worlds: Return to Infinite Space (2005). Les deux jeux inclurent les évènements et les niveaux aléatoires ainsi que la mort permanente ; mais les combats ne se jouant pas au tour par tour, ils furent considérés comme appartenant au genre Roguelike-like (ou Rogue-lite). Inspiré par les mécaniques et univers de ces jeux, FTL : Faster Than Light (2012) fit son apparition en 2012 avec un système de combat bien plus approfondi.
Le premier jeu mélangeant le Rogue-like et le platformer est Spelunky (2008), souvent considéré comme un des jeux ayant fait grandir la popularité des jeux indépendants rogue-lite, avec notamment The Binding of Isaac (2011), qui mélange le rogue-like et le Shooter. Dans le même style, nous pouvons citer des jeux comme Enter The Gungeon (2016) ou Nuclear Throne (2015).
Les jeux Pokémon Mystery Dungeon reprennent également de nombreuses caractéristiques du genre, mais la défaite n’est pas punie par une mort permanente, mais un renvoi au début du donjon. Enfin, un jeu largement inspiré du genre par sa génération de donjon est la série des Diablo, bien qu’elle appartienne à la catégorie des action-RPG.
Les rogues-likes, pourquoi ça plait ?
Mort permanente, loot et caractéristiques aléatoires, difficulté importante … Cette description n’est pas très attirante pour un loisir où l’on aime passer du bon temps. Alors pourquoi donc le genre rogue-lite attire de plus en plus de joueurs récemment ?
Plusieurs choses peuvent expliquer ce phénomène. Premièrement, la difficulté extrême attire certains joueurs friands de challenge et de dépassement de soi. Le jeu est conçu pour que l’on meure et que l’on réessaye. La difficulté est généralement progressive et des ennemis difficiles au premier abord deviennent des formalités après plusieurs rencontres. Ainsi même si le jeu est exigeant, le joueur se voit progresser et avancer dans le jeu. Cette mort permanente peut être comparée aux jeux d’arcade des années 80, où la sauvegarde était impossible et chaque nouvelle partie recommençait au niveau 1.
Ensuite, la part aléatoire des loots et la génération procédurale des niveaux apportent une rejouabilité accrue aux titres. Chaque partie est unique, bien que l’on rencontre toujours le même bestiaire, par l’agencement des salles ou la force de notre arsenal. Ainsi, le joueur doit s’adapter constamment, jouer de ses réflexes et de ses compétences acquises au fur et à mesure des aventures. Même après avoir battu le boss final du jeu, il peut nous arriver de relancer des runs juste pour tester des combinaisons d’objets ou pour finir le jeu avec tous les personnages.
Aussi, la plupart des rogues-likes et rogues-lites ont une introduction très succincte et la majorité de l’histoire et de l’intrigue est cachée dans le jeu. Sur les premières runs, nous partons à l’aventure sans vraiment savoir pourquoi, mais toute l’histoire s’ouvre à nous à force de recommencer. Il arrive alors de relancer une partie juste parce que l’on est pris dans l’ambiance du jeu et que l’on veut en savoir plus.
Enfin, bien que la majorité des jeux du genre soit solo, une communauté importante existe pour le partage des théories sur l’histoire principale. Il arrive aussi que la communauté se réunisse sur des forums pour partager sur la synergie de certains objets à la manière de la communauté Minecraft qui se partageait les plans de fabrication des objets du jeu.
Si les jeux rogues-likes classiques ne sont aujourd’hui plus parmi les plus populaires, les rogues-lites connaissent de beaux jours. Comme pour le genre des platformers, les développeurs ont trouvé de nouvelles mécaniques pour rendre le genre plus attrayant. D’après vous, est-il possible que d’autres genres soient mélangés aux mécaniques de rogue-like dans le futur ?
Sources :
A Brief History on Roguelikes
Rogue-like
What Separates a Roguelike from a Roguelite?