Les jeux vidéo partagent plusieurs aspects avec le monde de la recherche. Qu’on parle de recherche médicale, scientifique au sens plus large ou encore de recherche et développement, le but de la recherche est de créer des modèles théoriques que l’on peut appliquer à un domaine donné afin de prédire des résultats. Ainsi, une équipe de recherche, indépendamment de son domaine d’action, va dans un premier temps établir des modèles pour ensuite les confronter à la réalité. Elle réalise donc des expérimentations qui permettent de valider le modèle, l’affiner, le rendre plus exact, voire le rejeter s’il le faut. Grâce aux modèles, on peut notamment réaliser des simulations de la réalité. Or, qu’est-ce qu’un jeu, sinon la simulation de la réalité, voire d’une réalité alternative ?
Deux cousins pas si lointains
Modéliser un environnement, créer des interactions les plus fiables possible, avoir un rendu réaliste, c’est le fer de lance de la plupart des jeux récents. La recherche due réalisme dans les jeux vidéo pousse les studios à créer des modèles toujours plus poussés, qui demandent de plus en plus de puissance de calcul pour être rendus correctement. Prenons un exemple qui sera bientôt dans l’actualité : la Formule 1. Dans moins d’une semaine, celle-ci va reprendre, pour le plus grand plaisir des fans. Cependant, ce qui nous intéresse, c’est la sortie, moins d’une semaine plus tard, du jeu F1 2020. Dans ce jeu, les équipes de production se doivent de créer des modèles de monoplace les plus réalistes possible afin de donner le sentiment aux joueurs de rouler en catégorie reine. Il faut donc être fidèle à la dégradation des pneus, aux flux aérodynamiques dégagés par les voitures, à l'adhérence de celles-ci à n’importe quel moment de la course et j’en passe. Lorsque tout ceci est réalisé à la perfection, on fait face à une simulation de la réalité.
Maintenant, en quoi est-ce proche de la recherche ?
Eh bien, le jeu vidéo est en quête de réalisme, alors que les écuries sont en quête de performance. Pour cela, elles établissent des plans, construisent des voitures, et vérifient que ces voitures aillent vite. Cependant, vérifier qu’une voiture soit rapide une fois celle-ci construite est beaucoup trop incertain et donc trop cher. À ce niveau de compétition, impossible de se dire « ça passera ». Il faut en être sûr.
Alors on établit des modèles, mais pas n’importe comment, il faut des modèles fins, des modèles… réalistes. Il faut des modèles qui nous permettent de calquer la réalité afin de pouvoir la modifier, la tester, observer les conséquences de telle ou telle pièce sur l’aérodynamique de la voiture. Il existe des avantages certains à établir des modèles lorsqu’on recherche la performance :
- Les seuls coûts seront ceux de l’électricité nécessaire pour faire tourner la machine de calcul, les salaires des membres de l’équipe qui se charge de la modélisation ainsi que les différentes licences de logiciels. N’espérez même pas faire ça sous Paint.
- Les résultats sont immédiats. Enfin presque. La quantité de données à traiter est faramineuse. Il faut pouvoir connaître le comportement du moindre millimètre carré de la voiture, à tout instant d’une simulation. Même en investissant dans de la puissance de calcul, les limites des machines sont inlassablement atteintes à un moment donné. Malgré tout, pas besoin de voir la voiture construite pour connaître sa performance.
Modélisation d'une Formule 1 (Crédit : OpticalDreamSoft)
Cet exemple traite de recherche et développement, mais cela s’applique aussi à la recherche fondamentale. Celle qui permet par exemple à l’Institut Pasteur, que nous connaissons notamment grâce au ZEvent 2019, de créer des vaccins et des dispositifs médicaux en tous genres. Ici aussi, la simulation permet de créer des simulations les plus réalistes possible afin de manipuler des produits médicaux sans risques et sans délai.
Ainsi, si on modélise finement les choses dans les jeux vidéo, c’est pour le plaisir des mirettes ou pour proposer une expérience immersive. Dans la recherche, un modèle fin est une mine d’information et une réalité modelable à souhait qui permet d’expérimenter avec moins de limites, qu’elles soient techniques ou budgétaires.
Ces jeux qui aident la recherche
La recherche est un milieu relativement fermé, car il nécessite d’importantes connaissances dans un domaine pour y contribuer… Et si ce n’était pas si vrai ? Il existe de plus en plus de « serious games » qui vous invitent à contribuer à la recherche de manière ludique et intuitive.
Le plus connu est Foldit, développé par l’Université de Washington, qui vous permet de tester des combinaisons de repliement de protéines et de partager ces résultats directement avec les chercheurs. Une notion de score est introduite, permettant aux joueurs de savoir si leurs combinaisons sont performantes ou non. Les méthodes utilisées intuitivement par les joueurs sont ensuite analysées par les chercheurs et permettent par la suite d’affiner les algorithmes de calculs. D’autres jeux utilisent le même principe de recherche communautaire, comme Phylo ou EteRNA, qui vous permettent d’établir des hypothèses, d’en discuter avec d’autres joueurs et de comparer les résultats obtenus. Les chercheurs peuvent alors utiliser ces résultats, en estimer la pertinence et tester les plus prometteurs en laboratoire.
Aidez la science en jouant à Phylo !
Cependant, même des jeux dont la recherche n’est pas le but premier peuvent s’avérer très utiles. L’exemple le plus criant reste l’épidémie de World Of Warcraft en 2008, qui a permis à de nombreuses équipes de recherche d’affiner leurs modèles de propagation de virus.
Sans jouer, puis-je aider la recherche ?
Suite à la pandémie du COVID-19, un concept a fait parler de lui : le Folding@home. Lancé par l’Université de Stanford sous la forme d’un logiciel téléchargeable, ce concept permet de répartir la charge de calcul sur l’ensemble des machines où le logiciel est installé. Pour se faire, le logiciel télécharge des fichiers de calcul, puis utilise les puissances de calcul de votre processeur ou votre carte graphique afin de faire ses calculs. Une fois les calculs faits, les résultats sont renvoyés à l’Université, puis votre logiciel recherche de nouveaux projets à calculer. S’il est de grande utilité en ces temps de pandémie, le principe existe depuis plus longtemps et même lorsque le COVID-19 sera derrière nous, la recherche aura toujours besoin d’aide pour faire avancer ses activités. En effet, il sera possible de participer à l’avancée d’autres projets dans le futur. Dans la même veine, et en complément de leur jeu Foldit, l'Université de Washington a créé Rosetta@home. Le principe est le même que Folding@home, seules les applications scientifiques mises en jeu sont différentes. Des approches différentes pour des résultats différents, mais un objectif commun : faire avancer la science avec votre aide. Ainsi, si vous avez récemment passé le pas, ne supprimez pas le logiciel trop vite et faites avancer la science en prêtant un peu de votre puissance de calcul. Quoi de plus beau que d’aider la science en jouant aux jeux vidéo ?
Comme toujours, un processeur de plus ou de moins ne changera pas grand-chose à la puissance de calcul totale, mais c’est l’addition de tous nos petits processeurs qui peut faire la différence.
La conception d’un jeu vidéo a donc plus d’affinité avec le monde de la recherche que l’on pourrait le croire et ces derniers peuvent même directement contribuer à la recherche scientifique. De plus, pas besoin de jouer pour participer aux découvertes de demain grâce aux logiciels universitaires. Alors, pourquoi ne pas ajouter votre ordinateur à l’effort commun ?
Sources :