LES SALONS DE JEUX VIDÉO #5 : L’E3

LES SALONS DE JEUX VIDÉO #5 : L’E3

LES SALONS DE JEUX VIDÉO #5 : L’E3

Véritable big boss des salons de jeux vidéo, l’E3, abréviation de Electronic Entertainment Expo, aurait pu fêter cette année son 25e anniversaire (et sa 26e édition). Ce n’est plus un secret, l’épidémie liée au Covid-19 a poussé de nombreux salons et événements à annuler leur tenue et le salon américain n’y échappe pas. Avant de revenir sur cette mésaventure, intéressons-nous à ce dernier, qui a accueilli certaines des plus grosses annonces vidéoludiques de ces dernières années.

Historique : les aléas de la popularité

Avant de se rassembler lors de l’E3, les éditeurs et constructeurs de jeux vidéo se réunissaient dans divers salons dédiés à l’innovation électronique comme le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas et l’European Computer Trade Show (ECTS) de Londres. Voyant son secteur prendre de l’ampleur, l’industrie du jeu vidéo crée en 1994 l’Interactive Digital Software Association (IDSA) afin de s’unifier (elle devient en 2003, l’Entertainment Software Association (ESA)). Cette dernière donnera d’ailleurs naissance à l’Entertainment Software Ratings Board (ESRB), l’équivalent du PEGI européen. Toujours dans cette idée de faire sa propre route, l’industrie reconnaît qu’elle a besoin d’un événement entièrement dédié au jeu vidéo. Un événement qui permettra aux détaillants d'interagir directement avec les acteurs majeurs de l’industrie : éditeurs, fournisseurs, personnalités influentes et presse dédiée. 

L’Electronic Entertainment Expo voit le jour notamment grâce à Pat Ferrell, le créateur du magazine américain GamePro, détenu par l’entreprise International Data Group (IDG). Il décide de s’appuyer sur l’expertise d’IDG et sur la notoriété de l’IDSA pour mettre en place un salon commercial du jeu vidéo. Après un conflit avec le CES concernant l’organisation d’un événement dédié au jeu vidéo sur leur propre salon, divisant plusieurs sociétés du secteur, Pat Ferrell eut le dernier mot et l’événement du CES fût annulé. L’E3 devint alors le premier salon professionnel de l’industrie du jeu vidéo.

La première édition de l’E3 se tient entre le 11 et le 13 mai 1995 au Convention Center de Los Angeles. Au lendemain du salon, l’IDSA réalise la force d’un tel événement et renégocie avec IDG afin de s’approprier entièrement le salon et sa propriété intellectuelle. IDG reste cependant engagé à la réalisation de l’événement. L’E3 se tiendra, jusqu’en 2006, sous la forme que l’on connaît aujourd’hui, essentiellement au Convention Center de Los Angeles. 

Victime de son succès, après l’édition 2006, l’E3 voit ses exposants s'inquiéter des coûts que requiert l’événement : entre 5 et 10 millions de dollars le stand. Plusieurs d’entre eux prévoient de ne pas venir l’année suivante. De plus, de nombreux participants ne sont pas perçus comme des professionnels de l’industrie par l’IDSA (désormais ESA), mais comme des blogueurs, diluant ainsi l’impact des fournisseurs auprès du public originel. Pour l’année 2007, l’ESA décide donc de changer l’organisation de son salon en le délocalisant, en réduisant sa taille et en limitant son accès. L’Electronic Entertainment Expo devient l’E3 Media and Business Summit pour les éditions de 2007 et 2008. Il se tient en premier lieu à Santa Monica, dans une configuration qui s'organise d'un côté dans le Barker Hangar de l'aéroport de la ville et de l'autre dans plusieurs hôtels à proximité. L’édition 2008 se déroule de nouveau à Los Angeles, mais dans un seul hall du Convention Center, en gardant une formule similaire, plus conventionnelle.

Malheureusement, la recette ne prend pas et l’ESA est vivement critiquée pour ces petits événements. La presse et les exposants ne sont pas satisfaits par cette nouvelle version du salon. Selon l’analyste de jeux vidéo et de médias sociaux et numériques Michael Pachter, l’E3 risque de disparaître s’il n'opère pas de changements dans son organisation. En réponse à ces critiques, l’ESA annonce que le salon reviendra en 2009 sous sa forme d’origine et en reprenant son nom d’antan, mais sera essentiellement réservé à la presse et aux professionnels, plafonnant la fréquentation à environ 45 000 personnes. À partir de 2015, l’E3 s’ouvre progressivement au public non-professionnel.

À la suite de l’édition 2017, le PDG de l’ESA, Mike Gallagher, déclare envisager d’autres options quant au lieu d’organisation de l’E3. Il cite un manque de modernisation et de mise à niveau vis-à-vis de leurs besoins. Il a cependant déclaré que l’ESA travaillait avec la ville de Los Angeles et le Anschutz Entertainment Group (AEG), le propriétaire du Convention Center et de l’espace alentour, dans le but d’ajouter près de 46 000 m² d’espace d’exposition supplémentaire. Après l’édition 2019, l’ESA a affirmé avoir renégocié l’utilisation du Convention Center jusqu’en 2023, tout en conservant le droit de rompre le contrat.

En chiffres : Une stabilité en recherche d’innovation

Lors de sa première édition en 1995, l’E3 devient instantanément un événement incontournable de l’industrie vidéoludique avec ses 40 000 participants. Pratiquement tout l’espace du Convention Center de Los Center était réservé (65 000 m²). Contrairement à ses concurrents, l’E3 a longtemps bénéficié d’un statut un peu particulier. Durant près de dix ans, le salon est exclusivement réservé aux visiteurs professionnels, ce qui rend les chiffres de fréquentation assez minces par rapport aux autres salons de jeux vidéo.

En 1997 et 1998, le salon se tient au Georgia World Congress Center d’Atlanta à cause d’un échec de négociation avec le Convention Center de Los Angeles. Cela conduit à une baisse de fréquentation due aux nombreux studios de jeux vidéo basés sur la côte Ouest des États-Unis, à l’autre bout du pays. Les frais de transport du personnel et des équipements devenant ainsi bien plus coûteux. Le salon retrouve cependant son centre de convention d’origine en 1999 avec une fréquentation de nouveau en hausse jusqu’en 2006, oscillant entre 60 000 et 70 000 visiteurs.


Photo © Christopher Duff

Durant sa période de renouvellement de 2007 et 2008, le désormais E3 Media and Business Summit, voit volontairement sa fréquentation baisser drastiquement, restant sous la barre des 10 000 visiteurs. Une mésaventure qui ne dure qu’un temps avant que l’ESA ne décide de revenir à la formule originelle pour l’édition de 2009. Jusqu’en 2014, l’E3 verra entre 40 000 et 50 000 visiteurs fouler le sol du Convention Center de Los Angeles.

En 2015, en plus des 47 000 participants, quelques milliers de places sont allouées à un public non-professionnel. Elles sont distribuées par les éditeurs et s’écoulent à 5 000 tickets. L’année suivante, l’événement gratuit “E3 Live”, en marge du salon, accueille environ 20 000 visiteurs en plus des 50 300 professionnels. À partir de l’année 2017, l’ESA met en réservation 15 000 billets pour le grand public, en plus d’accueillir 68 400 professionnels. Ce qui entraîne des problèmes de surpeuplement à cause d’un manque de gestion. Un soucis qui sera peu à peu corrigé lors des autres éditions. Peu de changement pour les deux années suivantes, si ce n’est un nouveau record de fréquentation pour l’année 2018 avec 69 200 participants pros.

Pour l’édition 2020, l’ESA comptait augmenter le nombre de places pour le grand public et le faire passer à 20 000, en plus de repenser l’organisation et l’expérience du salon vis-à-vis des fans, des médias, des influenceurs ainsi que des exposants. De plus, pour pallier aux soucis d’organisation liés aux publics professionnels et non-professionnels, l’ESA envisageait d’ouvrir un jour supplémentaire réservé à l’industrie.


Photo © Christopher Duff

Les grandes annonces et présentations

Difficile ici de lister toutes les annonces marquantes de l’E3, tant elles sont nombreuses et riches en émotions. Les plus importantes de ces dernières années resteront sûrement les révélations de consoles. Les trois entreprises leaders du marché ont chacune officiellement dévoilé au moins une de leurs consoles lors du salon américain : Microsoft avec la Xbox en 2001 ; Nintendo avec la Wii en 2005 ; Playstation avec la PSP en 2004, en 2005 avec la PS3 et plus récemment en 2013 avec la PS4 (pas si récemment que ça finalement…). Et ce qui fait tout le charme de l’E3, c’est bien entendu les conférences des éditeurs, de plus en plus grandioses au fil des ans. Si les trois cités précédemment sont des habitués et récurrents, d’autres studios se sont, au fur et à mesure, ajoutés ou ôtés de ce programme bien chargé des conférences de l’E3 (Sega, Konami, Electronic Arts, Ubisoft, Bethesda Softworks, Square Enix…).   

La liste des révélations de jeux est bien longue, que cela soit du simple trailer aux premières images de gameplay. “World Premier” à outrance, présentation avec des invités (coucou Keanu Reeves) ou mise en scène extravagante, chaque joueur et joueuse saura piocher parmi ce panel pour n’en garder que ses moments favoris. Pour ma part, petit faible pour la dernière conférence de Sony, en 2018, allant à l’essentiel, avec beaucoup de sobriété.

Et maintenant ?

Comme évoqué dans l’introduction, l’E3 2020 n’aura pas lieu suite à l’épidémie liée au Covid-19. Bien que l’ESA prévoyait de maintenir l’événement sous une forme numérique, elle a finalement décidé d’annuler complètement le salon le 7 avril 2020. Une annonce qui mit fin à une sorte d’atmosphère brumeuse sur la sphère vidéoludique. Tout le monde s’y attendait un peu, mais cette officialisation résonna comme une fatalité pour le salon américain. Fatalité de laquelle il ne pourra peut-être pas se relever indemne.

Car les studios n’ont pas besoin de l’E3 pour faire parler d’eux et présenter leurs contenus. De nombreux événements numériques ont ainsi vu le jour et se tiendront notamment au mois de juin. Rassemblés sous diverses bannières (Summer of Gaming (IGN)) ; Future Games Show (GamesRadar) ; BitSummit ; Summer Game Fest (Geoff Keighley)), de nombreux éditeurs de jeux vidéo vont pouvoir dévoiler leur actualité durant ces “salons virtuels”. Et ils risquent de se rendre vite compte d’une chose, cela coûte bien moins cher qu’un événement physique. Plusieurs éditeurs l’avaient déjà compris durant l’organisation de l’E3 : Nintendo et Electronic Arts tiennent notamment depuis plusieurs années un événement à l’écart du salon. Tandis que l’EA Play reste un show physique de petite envergure, le Nintendo Direct est exclusivement en streaming. D’autres éditeurs se sont également détachés de l’E3, préférant organiser leurs propres événements, à l’image de Sony qui n’y participe plus depuis 2019.

Tout cela laisse présager de sacrés questionnements quant à la tenue d’un possible E3 2021. L’ESA a déclaré qu’elle prévoyait bien d’organiser la prochaine édition, seul le temps nous en dira plus sur la manière dont les choses vont s’articuler. Quoi qu’il en soit, la période estivale reste sans aucun doute la plus importante pour l’actualité de notre cher jeu vidéo.


Sources :

https://www.e3expo.com
https://fr.wikipedia.org/wiki/Electronic_Entertainment_Expo
https://en.wikipedia.org/wiki/E3
https://www.youtube.com/watch?v=anRy0JeHeCY
https://www.youtube.com/watch?v=cg-Zanga13Y
https://www.youtube.com/watch?v=NOoJ6ucEY8g

Photo de l’article : © Christopher Duff

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Ylonith
Ylonith

Voyageur de mondes virtuels, passé par Midgar, Skellige et les terres d’Azeroth. Admirateur de jeux enchanteurs, et explorateur du multivers vidéoludique.