Mika and the Witch's Mountain : un mauvais jeu pour une belle histoire ?

Mika and the Witch's Mountain : un mauvais jeu pour une belle histoire ?

Mika and the Witch's Mountain : un mauvais jeu pour une belle histoire ?

Tout plaquer pour devenir une sorcière livreuse de colis sur une île, c’est ce que propose Mika and the Witch’s Mountain. Ce petit jeu “cozy” à l’univers cartoon mêle quête de soi et découverte de la vie d’un village. Critique du capitalisme, musiques relaxantes, personnages attachants : tout y est, sauf le gameplay. 

Comme moi, vous avez peut-être souvent rêvé d’être à la place de Kiki la petite sorcière : livrer des colis, rendre service à des personnes, profiter de la liberté de voler sur un balai, sentir le vent dans vos cheveux et jouir du statut privilégié de la sorcière aux pouvoirs magiques… Eh bien, dans Mika and the Witch’s Mountain, c’est un peu ça, les privilèges en moins. On apprécie directement les animations au lancement du jeu qui nous plongent dans une ambiance cartoon enfantine et “cozy”. Ce type de jeu relaxant, c’est la spécialité du studio Chibig, développeur de ce titre. “Nous créons des jeux chaleureux et mignons pour tout le monde, combinant agriculture et aventures relaxantes dans des mondes fantastiques pleins d'émerveillement”, expliquent-ils sur itch.io. Mika and the Witch’s Mountain ne fait pas exception puisque c’est un jeu accessible, notamment aux publics plus jeunes.

Attention : cet article contient quelques spoilers sur le gameplay du jeu et le début de son histoire

Mika donne un petit objet à un habitant

Devenir sorcière, c’est du boulot

Le soleil se couche sur Mara alors que Mika parvient au point culminant de l’île en vue de rencontrer Oligari, l’enseignante de l’école des sorcières qui a supervisé la formation de sa mère autrefois. Lettre de recommandation en main, Mika aborde son aînée avec une confiance débordante. Mais elle déchante rapidement face à Oligari. Ni une ni deux, elle jette Mika par-dessus bord, et l’apprentie sorcière se retrouve sur la plage de l’île, livrée à elle-même. Durant les premières minutes du jeu, je suis agréablement surpris par les graphismes, et l’animation des dialogues entre les personnages me rappelle mes heures passées sur Professeur Layton. Des petits détails permettent de rendre le jeu plus immersif, comme les petits “aaah !” lancés par les personnages mais aussi leurs changements d’humeur en réaction aux dialogues.

Mika discute avec Oligari la sorcière

 

Passée la colère envers la méchante sorcière et la douleur de la chute, nous devons nous trouver un nouveau balai afin de remonter sur la colline. Grosso modo, pour réparer notre balais, il va falloir payer, et pour trouver cet argent, il faut travailler. Motivée et pressée, Mika est embauchée par le bureau de poste du coin. À ce stade, on comprend rapidement que le jeu ne va pas consister en une formation de sorcière, mais bien à aider les habitants du village à travers les livraisons. La saynette de départ apparaît comme un prétexte pour dévoiler le vrai concept du jeu : incarner la sorcière -factrice- de service, quelles que soient les demandes.

 

 

Vous avez dit relaxant ? 

Avant de vous parler de mon ressenti vis-à-vis du gameplay, un point sur celui-ci s’impose. En tant que livreuse, Mika dispose d’une carte de livraisons à remplir. Les objets qu’elle doit apporter aux différents habitants y figurent, accompagnés d’un petit texte et de l’emplacement du destinataire sur la carte. On nous indique également si le colis est fragile, si l’on doit faire attention à ne pas le mettre dans l’eau, ou si un temps est à respecter dans la livraison (par exemple, pour livrer une glace il ne faut pas attendre qu’elle fonde !). 

Prendre le paquet, le livrer, faire tamponner sa carte avec l’avis de l’habitant, retourner au bureau de poste, recommencer… 

 

 

Si le pitch du jeu tient en quelques lignes et que les commandes sont simplistes, il n’est pas si évident d’arriver à destination. La faute à un balai impossible à manier, et ce pendant les ¾ du jeu. Si le principe est de récolter de l’argent afin d’acquérir un balai de bonne facture, les trajets deviennent vite synonymes d’agacement, de chutes et de crises de nerfs. Outre l’aspect redondant des livraisons, le gameplay souffre vraiment de cette impossibilité de se déplacer convenablement à cause d’un balai capricieux qui fait l’inverse de ce qu’on lui demande. Certes, cela peut s’expliquer par l’incompétence de Mika, sorcière débutante, mais j’aurais apprécié avoir un balais fonctionnel dès la seconde amélioration, et non pas quelques minutes avant la fin du jeu. L’île n’est pas très grande, mais il est impossible de se téléporter d’un point A à un point B. Lorsque vous manquez une mission, vous devez retourner au point de départ par vos propres moyens, c’est-à-dire sur votre balai impossible à diriger. Je regrette vraiment ce choix de la part du studio d’avoir rendu le seul moyen de transport de Mika aussi peu maniable, puisque c’est la base même du gameplay et de l’histoire. Il faut attendre le troisième jour pour obtenir un balai capable de prendre de la hauteur. Finalement, le gameplay me semble long, répétitif et ennuyant, alors même que l’ambiance générale du jeu est appréciable notamment grâce au développement du monde de Mara. 

L’île est dotée de plusieurs zones bien définies qui sont aménagées de forêts, de structures, avec une partie pour l’usine, une autre pour la ferme, un train, un village, un campement, un laboratoire… Il reste assez étonnant durant les premières heures du jeu de découvrir l’île.

 

 

Des colis et des rencontres

Les objets apportés aux différents personnages de l’île sont souvent en lien avec leurs personnalités, et l’on s’attache rapidement aux habitants. Si vous prenez le temps de lire les dialogues entre les personnages, vous en saurez davantage sur leurs histoires, mais vous trouverez aussi de véritables sources de réflexions. Qu’il s’agisse de la critique globale du capitalisme, représentée par l’agence de poste de l’île, de l’usine à charbon, de travailleur·euses exploité·es et non reconnu·es qui osent dénoncer leur situation, mais aussi d’un fils qui apprend à voler de ses propres ailes loin de son père ou encore d’une aventurière qui mesure la joie de retourner chez elle, tous les personnages ont quelque chose à vous apprendre, et donnent des leçons de vie qui résonneront sûrement avec vos propres expériences. Le point fort de Mika and the Witch’s Mountain, ce n’est ni son gameplay, ni son histoire d’apparence superficielle, mais bien le travail d’inclusivité et de développement de tous les personnages secondaires qui peuplent l’île.

 

 

Un jeu fondamentalement inclusif

Je le répète : ce jeu est une merveille en termes d’inclusivité. Les personnages sont de couleurs différentes, d’âges et de genres différents, Kiala a un bras mécanique pouvant représenter une prothèse, de nombreux PNJ sont des femmes aux personnalités variées, et surtout, chaque personnage a une véritable histoire. Vous apprendrez à connaître le passé, le présent et les ambitions des PNJ, qui jouent chacun un rôle sur l’île. J’ai apprécié les figures féminines du jeu, parce qu’elles sont très diverses et occupent des métiers souvent associés au masculin, à l’image de la pilote aventurière, la scientifique, l’aventurière qui vit seule en pleine nature, l’ouvrière… La famille, la solitude, la soif d’aventure, l’identité… sont tant de thèmes abordés qui sont traités avec justesse et profondeur. La narration et l’écriture du jeu sont réellement passionnantes parce que construites autour de valeurs très douces, telles que l’empathie, l’ouverture aux autres, le partage des sentiments, le soutien... D’ailleurs, j’ai apprécié pouvoir proposer de partager mon matériel avec les habitants qui en avaient besoin. Des choix qui ne sont pas anodins, puisqu’ils influencent la fin du jeu, et ne rendent la morale que plus belle.

 

 

Faut-il jouer à Mika and the Witch’s Mountain ? 

En bref, Mika and the Witch’s Mountain s’est avéré très décevant vis-à-vis de son gameplay et j’ai vite perdu l’envie d’y jouer à cause des déplacements, mais les personnages et leurs histoires m’ont donné envie de continuer malgré tout. Je souligne donc l’inclusivité et les efforts fournis par l’équipe de Chibig, studio indépendant. Pour autant, je ne relancerai pas le jeu après avoir terminé la quête principale, à savoir remonter en haut de la colline, parce que son gameplay ne m’amuse pas suffisamment pour avoir envie de compléter tous les objectifs à 100 %. Je recommande ce jeu pour son histoire, ses personnages et son univers, mais je pense qu’il est plus agréable de le découvrir lors d’un let’s play que d’y jouer, ce qui est regrettable.

 

PS : toutes les images sont issues du jeu

 

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Arzalor
Arzalor

Étudiant en master de Journalisme et engagé pour l'inclusion et la diversité, je suis aussi fan de jeux vidéo, raison pour laquelle j'aime mixer toutes ces choses. Le féminisme et la lutte pour les droits des personnes LGBTQ+ est un combat de tous les jours, qui se mène aussi dans les médias, alors me voilà ! Si je ne suis pas devant mon PC à rédiger des articles ou à jouer, vous me trouverez sur le terrain à prendre des photographies ou à interviewer du monde, micro en main.