Game’Her est une association aspirant à développer un environnement sain pour les joueuses en leur en donnant les outils nécessaires pour s’épanouir et évoluer dans les domaines du jeu vidéo, de l’e-sport et de l’audiovisuel. Nous favorisons ces domaines, car nous avons la capacité d’influer dessus et parce que les jeux vidéo représentent une passion que nous avons en commun. Mais la mixité est un concept plus large, qui repose sur la participation de tous.
Trop souvent, on pense que donner plus d’importance aux femmes va régler le manque de mixité dont souffre la société actuelle. Je suis activement persuadé de l’inverse et je vais vous expliquer pourquoi.
Une manœuvre qui se doit naturelle
Donner de l’importance ne signifie pas forcément donner du pouvoir.
Il faut pouvoir installer un climat de confiance, afin de permettre aux femmes d'exprimer la totalité de leur potentiel. L'absence totale de femmes à haut niveau (l'e-sport étant un exemple parmi d'autres) stigmatise cette position et place ces dernières au rang de chanceuses, de privilégiées. On ne se sent pas capable de pouvoir atteindre cette position, elle semble hors d'atteinte et tout ce qui gravite autour de nous semble le confirmer.
Même s'il n'est pas explicite, le message que perçoivent la plupart des femmes se résume à : "tu es une femme, tu ne joueras pas au même niveau que les hommes".
C'est en cela que démocratiser les compétitions exclusivement féminines ne doit pas être une finalité en soi, mais un révélateur de talents. Le passage y est quasi obligatoire pour donner de l'importance à l'e-sport féminin. Il faut le développer suffisamment pour permettre ensuite aux femmes qui en font partie de créer l'e-sport de demain sur les bases de celui, naissant, que nous connaissons.
Une prise de conscience commune
Une société mixte ne s’obtiendra qu’au prix d’un effort commun des hommes et des femmes. Messieurs, c’est à nous d’accomplir notre devoir civique pour que ces dames puissent accomplir le leur.
En effet, nombre de femmes se plaignent de harcèlements, de propos déplacés, de comportements malvenus de leurs homologues masculins. Même si l’échantillon de personnes responsables de ce genre d'inepties n’est pas représentatif, je me permets de revenir sur certains points.
Oui, nous sommes humains et l’être humain a des désirs. Je ne le nie pas et je ne demanderai jamais à personne de se transformer en une machine incapable de ressentir la moindre émotion. Néanmoins, une chose doit être conservée : le respect d’autrui. Certes, vous trouvez cette jeune femme très charmante, voire attirante, mais vous avez tout de même le droit de garder vos qualificatifs pour vous sans l’en embarrasser. Quand bien même, vous voulez prendre votre courage à deux mains et aller lui parler, n’oubliez pas de rester respectueux envers elle. Elle ne vous doit rien et a totalement le droit de ne pas se montrer clémente.
Enfin, celles qui sont réellement concernées par ces changements sont les femmes. Il n’est pas souvent facile de garder confiance en soi dans un milieu où une baisse temporaire de performance peut ruiner une carrière. Alors, imaginez la pression que doivent supporter le peu de femmes qui parviennent à se hisser dans les classements. Certes, la pression de la compétition et du public est partagée par tout compétiteur, peu importe le sexe. Cependant, le public semble avoir une moins grande tolérance à l’erreur pour ces dernières, alors que le jugement devrait être le même entre un joueur et une joueuse de niveaux égaux.
Néanmoins, certains ressentis ne touchent que les femmes et même s’ils ne sont pas explicites, clairement dirigés vers une personne ou mal intentionnés, ils sont tout de même vécus au quotidien par certaines femmes. La raison est simple : les équipes mixtes sont rares et apparaissent comme des exceptions. Motiver les structures à adopter des équipes mixtes est une bonne chose, mais attention à ne pas intégrer des femmes pour la seule raison que ce sont… des femmes.
Je m’explique. Vous formez une équipe et êtes à la recherche d’un joueur pour occuper un poste en particulier. Il ne s’agit pas de prendre une femme ou un homme pour ce poste. Il s’agit de prendre le joueur le mieux qualifié, que ce soit une femme ou un homme. Le problème, me direz-vous, c’est qu’il n’y a pas de femmes, je ne peux donc choisir que des hommes. C’est donc pour ça que les compétitions féminines doivent perdurer afin de motiver les femmes à créer la concurrence là où il n’y en a pas, à aller secouer un marché quasi intégralement masculin pour ouvrir la voie aux suivantes et ainsi de suite.
Dès lors que l'on responsabilise les hommes et qu'on soutient les femmes, un climat de confiance peut s'installer et permettre aux femmes d'outrepasser les barrières qu'elles se fixaient ou qu'on leur a fixées.
La mixité en dehors de l’e-sport
Un des membres de Game’Her a rapporté, il y a un mois environ, une histoire qui a quelque peu motivé l’écriture de cet article. Une jeune fille étudiant au collège a été forcée de changer son mini short contre un jean à l’allure douteuse pour la raison suivante : “ça excite les garçons”.
Tout d’abord, je ne vous apprends rien en vous disant que certains vêtements sont plus “excitant” que d’autres. Oui, certaines rares personnes cherchent clairement à provoquer ce genre de réaction en choisissant une garde-robe… exotique. Ce faisant, elles mettent dans des positions délicates toutes les personnes qui portent le même genre de vêtement par pure liberté de s’habiller comme elles le souhaitent. Tant que nous sommes sur le sujet, le même genre de phénomène s’observe chez les hommes. Vous vous souvenez, un peu plus haut, quand je proposais d’aller parler à une parfaite inconnue dans la rue ? Malheureusement, certaines personnes n’osent pas - ou plus - le faire de peur de se retrouver au centre d’un exutoire de ras-le-bol de la part des femmes. Triste n’est-ce pas !?
Mais je vous perds avec mes belles paroles, revenons à notre exemple : “ça excite les garçons”. Ah oui ? Vraiment ? La cause du problème est donc forcément le “ça”. Il n’est envisagé à aucun moment que le problème soit “les garçons”, ils sont automatiquement écartés des causes menant au problème, sans aucune raison apparente. Étant moi-même un homme, je ne comprends pas pourquoi je ne devrais avoir aucune part de responsabilité dans ce genre d’affaire.
Il y avait peut-être des manières plus intelligentes de régler le problème, tel qu’un rapide échange avec les garçons concernés pour leur expliquer comment correctement réagir dans ces conditions. Une telle proposition risque d’attiser d’autres débats vis-à-vis de l’école, qui n’ont pas leur place ici et maintenant.
Je précise tout de même que nombre d’informations ne sont pas connues. On ne sait pas s’il y a eu des plaintes de la part desdits “garçons excités” voire de n’importe qui d’autre ou si le personnel d’encadrement a jugé la tenue selon son bon sens. On ne sait pas si cette personne était du genre à porter des tenues provocantes ou non.
En somme, gardez un esprit critique sur les événements.
La mixité se heurte à certaines limites
Cependant, vouloir obtenir des équipes mixtes n'est pas possible dans tous les domaines. Un équipage de sous-marin, par exemple, ne peut pas être composé de sexes opposés. La raison n'est pas sexiste, mais physiologique. Être enfermé pendant des mois dans “une boîte de conserve” a rarement des effets bénéfiques sur un être humain. L'isolement est une contrainte autant physique que mentale et l'Homme y retrouve quelque peu son penchant animal, fortement enfoui, mais toujours présent. Un tel discours pourrait être pris pour du flegme d'éduquer correctement les hommes qui partent en mission, mais la perfection n'est qu'une lubie et il y a des mécanismes contre lesquels on ne peut pas efficacement lutter.
Revenons un peu à nos claviers et à notre e-sport. Il n’est pas rare de voir des femmes se voir refuser des places dans des équipes, car elles pourraient perturber certains joueurs masculins par leur présence. Dans le cas de l’environnement clos et restreint d’un sous-marin, ce genre d’arguments est totalement légitime. Malheureusement, dans le cas d’une équipe e-sportive, les contraintes sont beaucoup moins nombreuses et il semble possible de gérer les désirs et les envies de chacun. De plus, avec des membres masculins conciliants, une équipe pourrait même être meilleure en comptant une femme dans ses rangs. Toujours est-il que refuser de prendre une fille de peur de déséquilibrer une équipe est plus une excuse pour ne pas agir qu’un réel argument légitime.
Ce sont des thématiques comme l’intégration des femmes et la responsabilisation des hommes que Game’Her met en avant afin d’avancer vers un monde mixte et plus juste.