Après l’intervention de Tony Estanguet voulant introduire l’eSport aux JO 2024 à Paris , la comparaison entre l'eSport et les sports traditionnels fait à nouveau débat auprès de la communauté eSportive, des médias traditionnels ou des institutions publiques et sportives. C'est pourquoi aujourd'hui nous allons revoir ensemble les valeurs que partagent ces deux domaines.
« Il faut qu’on s’y intéresse, parce qu’on ne peut pas dire “Ce n’est pas nous. Ça ne concerne pas les Jeux Olympiques”. Les jeunes s’intéressent à l’eSport et ce genre de choses. Regardons tout ça. Rencontrons-les. Voyons si nous pouvons établir des liens ».
Tony Estanguet
Similarités entre eSport et sport traditionnel
Les deux pratiques partagent de nombreuses caractéristiques comme la compétition, la médiatisation ou la mise en spectacle lors des tournois. On retrouve dans l'eSport comme dans les sports traditionnels, des commentateurs, des sponsors, des séances d'entraînement intensifs tout au long de la semaine mais également de l'activité physique et une bonne hygiène de vie. L’eSport (ou sport électronique pour les non-initiés) se caractérise par des compétitions de jeux vidéo, mais pas seulement. On y retrouve plusieurs caractéristiques similaires au sport traditionnel comme la dextérité ou la coordination d'équipe ; mais aussi le temps de réaction, la vigilance, la précision, la réflexion ou encore la patience. On peut parler aussi d'un point très important dans ce domaine qui est la connaissance du jeu, car en effet elle ne cesse d'évoluer chaque année. En effet, les joueurs se doivent de rester à l'affût des mises à jour du jeu pour adapter leurs stratégies. Par exemple pour le jeu League of Legends, en fonction des saisons, la métagame (ce qui définit par exemple les champions à jouer lors de cette saison) évolue. Les joueurs doivent donc s’adapter à ces changements récurrents. Il est vrai que malgré toutes ces capacités nécessaires, la dimension physique de l'eSport porte encore des interrogations. C'est à ce moment-là que plusieurs problématiques apparaissent : comment définissons-nous une activité sportive ? Y aurait-il un seuil énergétique en-dessous duquel une activité ne pourrait pas être reconnue comme un sport ? Pourtant si l'on cherche un peu la définition d'un sport il est dit que c'est : "un ensemble d'exercices physiques ou mentaux se pratiquant sous forme de jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions. " et la précision sur les exercices mentaux pourrait tout à fait coller à l'eSport.
Les professions autour de l'eSport
Comme dans les sports dits traditionnels, un amas de métiers se sont développés autour de l’eSport. On trouve des coachs derrière chaque équipe, des sponsors, des chefs de projet pour les nombreux événements ainsi que des métiers liés à l’audiovisuel. Il y a une question économique qui se développe à travers l’eSport. Le sponsoring est un puissant outil de communication et de nombreuses entreprises l'ont intégré dans leur politique marketing, au même titre que la publicité et la promotion. La sponsorisation permettra d'être invité à des événements et de renforcer les relations publiques. Cela permet d'accroître sa visibilité (affichage, stand d'exposition, panneau publicitaire). Evidemment, le but étant aussi de développer sa notoriété, une fois la marque et le message transmis, il faut que le public s'en souvienne. Enfin, de développer la proximité avec les consommateurs, la marque se rapproche d'eux et construit avec eux un lien affectif. Evidemment, le métier qui revient le plus dans les esprits est celui de commentateur professionnel lors des parties en direct. Le commentateur se doit lui aussi d'avoir une connaissance approfondie du jeu à commenter afin d’analyser chaque mouvement, chaque stratégie des joueurs. Il est là pour écrire l’histoire d'une ou plusieurs équipes, il est d'ailleurs souvent lui-même un joueur d'un certain niveau.
Le public : un élément essentiel
Comment parler de l'eSport sans évoquer le public si engagé auprès des événements e-sportifs ? Ils étaient plus de 15 000 aux championnats Européens de League of Legends à Paris en septembre à faire le déplacement. Ce public présent aux LCS EU a d'ailleurs été proclamé comme étant l' un des meilleurs public du monde ! Certains se sont déplacés à travers la France, d'autres d'Angleterre ou encore d'Espagne. Sans parler de toutes les personnes qui ont suivi le match de chez eux, sur la plateforme Twitch, dépassant ainsi les 40 000 viewers pour la finale. Il se déroule actuellement les Worlds (le championnat du monde de League of Legends), un événement inégalable et incontournable avec un généreux prix d'un million de dollars offert par les développeurs ! En 2016, ils étaient 14 millions de spectateurs à regarder la finale sur Twitch et 43 millions dans l'ensemble de l’événement. Est-ce que l'édition 2017 arrivera à battre ce record sachant que chaque année la communauté e-sportive prend de l'ampleur ? Nous clôturerons cette partie en précisant que la finale 2016 a duré 4h20. C'est l'un des plus longs BO5 jamais disputés dans l'histoire de League of Legends, très épuisant physiquement par ailleurs. (BO : Best of, celui qui remporte 3 matchs remporte l'affrontement. Existe aussi en BO3)
L'impact des sports sur la santé
La société est souvent réticente aux jeux vidéo aussi à cause de ses conséquences sur la santé. En effet, on entend souvent que les écrans et les casques provoquent des problèmes de vue, des problèmes d'audition ou des crises d'épilepsie (on peut d’ailleurs voir dans cet article que les écrans pourraient être un élément déclencheur et non la cause du problème). Malheureusement, dans les sports traditionnels, on peut aussi dénombrer pas mal de problèmes de santé comme les AVC, les fractures, les déchirures musculaires ou encore les tendinites. Les problèmes liés à la pratique des jeux vidéo arrivent de la même façon que dans les sports traditionnels : lorsque l'activité est mal faite et sans réglementation. Par exemple, un joueur de Hockey qui jouera sans casque de protection risquera de subir un traumatisme crânien en chutant. Il en va de même pour l'eSport, un professionnel doit jouer avec un écran de minimum 144 hz. Selon les résultats de ces recherches la fréquence de l’écran joue un rôle important dans le sujet. A la fin, ils ont établi qu’une fréquence de balayage de 100Hz est plus adaptée pour éviter les crises d’épilepsie. Comme pour un sport traditionnel, on retrouve des équipements qui favorisent la santé : des sièges, claviers, souris ergonomiques et aussi des lunettes adaptées pour ne pas abîmer la vue.
Une reconnaissance pas encore universelle
Pour certains, cela peut paraître étonnant d'assimiler des jeux vidéo à un sport à part entière. Seulement, si on regarde de plus près en prenant l'exemple du football, on apprendra que c'est en 1863 en Angleterre et en 1904 en France que ce sport commence à être officialisé comme étant un sport réglementé et plus seulement un jeu. Culturellement, un sport est effectivement perçu comme une activité nécessitant un effort physique particulier et parfois douloureux, acquis après plusieurs années d'entrainement. Seulement, cela est trop restrictif car cela ne prend pas en compte les caractéristiques comme la concentration ou la stratégie. C'est pourtant grâce à cela que les échecs, la pétanque ou le billard sont désormais considérés comme des sports. Cependant, la reconnaissance d'une activité en tant que sport est fondamentalement institutionnelle et culturelle. Le ministère des sports français n'a pas reconnu l'eSport comme une pratique sportive, seulement ce n'est pas le cas dans d'autres nations du monde. En Russie, en Italie, le canton de Genève ou les Philippines et bien évidemment en Corée du Sud, on voit en l'eSport une pratique sportive. Les Etats-Unis estiment même que les pro-gamers pourraient bénéficier des mêmes visas sportifs que les athlètes de haut niveau. C’est pourquoi il ne faut pas se baser sur des textes juridiques d’une seule nation, il existe de nombreuses pratiques sportives qui ne sont pas reconnues comme des sports en France alors qu’elles le sont dans d’autres pays du monde.
Pour conclure
La question de la reconnaissance de l'eSport en tant que sport continue à progresser à travers la France notamment dans le cadre de l'organisation des Jeux Olympiques 2024 à Paris. La communauté e-sportive se veut impatiente de voir cette discipline considérée à sa juste valeur, il serait d'ailleurs envisageable de créer des filières donnant l'opportunité aux jeunes de se former aux métiers relatifs à l'eSport au même titre que des formations, au lycée ou en enseignement supérieur, permettent d’exercer dans le sport traditionnel. Cela pourrait également permettre d'obtenir des visas sportifs afin d'effectuer des compétitions à l'étranger, mais aussi de pouvoir diffuser de grands événements e-sportifs sans conflit avec l'éditeur. Pour finir, même si l'eSport n'est pas reconnu comme un sport par les autorités gouvernementales françaises, cela ne veut pas dire que pour d'autres nations du monde ce n'en est pas un. Comme nous l'avons vu plus haut, les mentalités dans d'autres pays ont évolué face à la reconnaissance de l'eSport. Il faut donc espérer que grâce à la médiatisation positive, les institutions publiques et sportives réagiront en faveur de l'acceptation de l'eSport comme un discipline sportive à part entière.
Photo : LoL Esports, SIPA