Avec l'avancée technologique constante que connaît le milieu de l'audiovisuel, de nombreuses œuvres ont subi des modifications plus ou moins significatives au fil des ans. Et le jeu vidéo n'y a pas échappé. Que cela soit avec des mises à niveau, des refontes totales ou tout bonnement des retours à zéro, essayons de définir simplement et correctement ces mots que sont remaster, remake et reboot.
Remaster : remaîtriser
Très présent dans l'industrie musicale et cinématographique, le terme remaster représente le processus de fabrication visant à améliorer la qualité d'une œuvre grâce à une technologie plus récente afin de la conserver, de la préserver et de la faire durer dans le temps. Cela permet également de mettre en place une diffusion commerciale constante.
Sans rentrer dans des détails trop techniques, la remastérisation consiste à retravailler une œuvre depuis un support existant. Que cela soit pour la musique ou le cinéma, ce sont les produits ou les éléments sources initiaux qui servent de base au produit final. De même pour le jeu vidéo.
Dans le cas d'une œuvre originale analogique, il y a d'abord une étape de numérisation. L'étape la plus importante est la suivante, la restauration. C'est notamment lors de celle-ci que vont s'effectuer les retouches, les améliorations et modifications du support d'origine. Vient ensuite la remastérisation, qui consiste, dans les grandes lignes, à “peaufiner” le produit quasi-final dans le but d’obtenir un résultat optimal pouvant être dupliqué et diffusé convenablement.
Lorsqu'on évoque le terme remaster, c'est le résultat final qui est pratiquement toujours désigné. Par exemple, pour le cinéma, prenons le film 2001, l'Odyssée de l'espace réalisé par Stanley Kubrick. Le métrage est sorti en 1968 au cinéma, puis fut adapté au support VHS pour les foyers. Le film existe encore sur les supports d'aujourd'hui, passant donc de la VHS au DVD, puis au Blue-ray, dans des versions remastérisées. Il est aujourd'hui plus net, les couleurs sont plus belles, les rayures, bavures et autres défauts pelliculaires ont été effacés... Le film est mis à niveau, avec la maîtrise de notre époque. Il en va de même pour le domaine musical. La remastérisation permet par exemple de supprimer les effets de souffle et certains grésillements de morceaux, de refaire leur égalisation ou plus simplement de passer d'un son monophonique à un son stéréophonique. Le remaster d'une œuvre est parfois l'occasion d'y inclure des scènes coupées (pour le cinéma) ou bien des morceaux inédits (pour la musique).
2001, l'Odyssée de l'espace
Alors tout cela est bien beau, mais où est le jeu vidéo là-dedans ? Pas de panique il arrive ! Il va être compliqué de faire une liste des jeux-vidéo ayant eu un remaster tant cette dernière est longue. En effet, la huitième génération de console a vu naître une ribambelle de ces jeux “actualisés”. La faute à une faible rétrocompatibilité avec, notamment, la génération précédente. Tout comme les deux domaines évoqués ci-dessus, une version remastérisée d'un jeu a subi des améliorations plus ou moins minimes, grâce à la technologie actuelle, afin d'être plus agréable à l’œil et à l'oreille. Il y a plus de détails, les ombres, lumières et reflets sont de meilleure qualité, le clipping et aliasing sont supprimés ou atténués, etc. Ces versions incluent d'ailleurs généralement tous les DLC du jeu et ajoutent même parfois des modes supplémentaires. Parmi les nombreux remaster existants, il y a ceux qui bénéficient de véritables améliorations et ceux qui paraissent un peu plus fainéants, où l'on est enclin à évoquer un “lissage HD”. Warcraft III : Reforged, par exemple, a notamment vu son moteur graphique actualisé, en plus d’avoir de nouveaux modèles 3D et nouvelles textures. À l’inverse, le remaster de Dark Souls reste très similaire au jeu de base. Les textures sont plus nettes, les ombres et lumières plus belles, le jeu dans son ensemble paraît assurément plus propre que l’original mais les changements ne sautent clairement pas aux yeux.
Remake : refaire
Le terme remake peut aisément être confondu avec remaster tant les différences peuvent parfois s'avérer minimes, pour ce qui est du jeu vidéo du moins. En règle générale, le terme remake a tendance à s'appliquer à l'industrie cinématographique, et désigne le fait de faire une nouvelle adaptation d'une œuvre déjà existante. Une nouvelle adaptation qui permet d'apposer une vision nouvelle, générationnelle ou bien différente du produit initial et qui met à contribution une technologie plus moderne lors de la création. Dans certains cas, l'écart technologique peut être très marqué, dû à une longue période séparant l'original du remake. On peut prendre l'exemple du film King Kong, sorti initialement en 1933 et réalisé par Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Le film connaît un premier remake en 1976, réalisé par John Guillermin, puis un second en 2005, réalisé par Peter Jackson. Ils portent le même titre et leur scénario est le même (peut-être à quelques exceptions près). Cependant, quarante-trois ans séparent le film original du premier remake et soixante-douze ans du second. Autant dire que l'imagerie et la technique ont eu le temps d’évoluer et ne sont plus tout à fait les même.
King Kong (1933) / King Kong (2005)
Tout comme le cinéma, le jeu vidéo a également son lot de remakes, allant de la reconstitution complète au changement total de l'approche. Ces dernières années, un studio s'est fait une certaine renommée dans le domaine du remaster et du remake : Bluepoint Games. En 2018, le studio sort une nouvelle version du désormais classique Shadow of the Colossus. Le jeu est entièrement refait sur le plan visuel, mais reste néanmoins exactement le même au niveau du gameplay et du scénario. On aurait donc tendance à dire que c'est remaster, mais non, c'est bien un remake ! L‘œuvre a bénéficié d’une recréation et d’un nouveau départ de zéro. Avec la récente annonce du remake de Demon's Souls, le studio continue donc sur sa lancée : faire (re)découvrir des jeux d'époques quasiment à l'identique, la beauté visuelle en plus.
Pour prendre un exemple d'un remake très différent de l'original, Resident Evil 2 est parfait. Encore une fois, les jeux disposant d’un remake ne sont pas choisis au hasard, ce sont toujours des classiques ayant marqué leur époque. Les studios veulent faire perdurer ces jeux en actualisant leur support, afin de toucher à la fois une nouvelle audience comme une ancienne. Le jeu original sur PlayStation reste assurément un très bon jeu, mais accuse du poids des années et n'est plus aussi accessible. Son remake reprend le même scénario, les mêmes personnages et la même ambiance horrifique. Le jeu dans son ensemble est finalement le même, mais change les graphismes et les mécaniques de gameplay. Le jeu est désormais à la troisième personne (la caméra est située derrière le personnage), tout comme plusieurs opus de la série ayant succédé au troisième épisode. Il s'est adapté aux standards actuels, afin de rassembler un plus large public. Bien entendu, cela ne pâtit en rien le plaisir de jeu, et permet aux néophytes de le découvrir commodément, et sous un nouvel angle pour les anciens joueurs. Dans la même veine, on peut également citer Final Fantasy VII Remake.
Reboot : redémarrer
Finalement, lorsque l'on parle de reboot, il est plus question d'un travail sur le scénario d'une œuvre. Œuvre qui, d'ailleurs, prend souvent l'apparence d'une série ou d'une saga. On pourrait définir ce terme comme une ré-interprétation d'une histoire, d'un scénario et d'une diégèse. Le reboot nous place dans un univers et un contexte assez similaire à l’œuvre originale, tout en faisant table-rase de cette dernière. Bien souvent, c'est l'occasion de ré-imaginer (et ré-imager) la genèse d'un personnage, d'une aventure ou d'une relation. Il n'est pas rare de se surprendre à comparer un reboot de son original, lorsqu'on connaît les deux. Pour le meilleur et pour le pire, car le but est justement de chambouler ce qui a été établi dans le but de le présenter sous une nouvelle forme.
Le reboot a également quelques points communs avec le remake. De la même manière que pour ce dernier, un écart de plusieurs années sépare généralement les deux versions. Écart durant lequel la technologie a évolué, et permet donc de donner un coup de jeune à un récit souvent daté. Sur le plan technique donc, comme sur le plan scénaristique. Dans le reboot de la série Tomb Raider par exemple, initiée en 2013, Lara Croft est plus humanisée que dans la saga originale et le jeu nous confronte plus intimement à son évolution psychologique.
Les trois chapitres du reboot de la série Tomb Raider : Tomb Raider ; Rise of the Tomb Raider ; Shadow of the Tomb Raider
Bien que le jeu vidéo ait quelques reboots à son actif (Prince of Persia, Doom, Ratchet & Clank...), c'est encore le monde du cinéma et des séries qui regorge d'exemples. Il y a des reboots de films, en films (Spider-Man, La Planète des singes, James Bond...) ainsi que des reboot de films, en série (Scream, The Punisher, Westworld...).
À chaque fois, la ré-interprétation d'une œuvre permet, à partir d'un matériau de base, d'ouvrir des chemins d'horizons narratifs multiples et d'étendre un univers parfois trop à l'étroit dans son métrage originel ou déphasé de la société actuelle, avec néanmoins le risque de se perdre.
Est-ce bien ou mal : une dualité qui divise
Peu importe le terme, faire un remaster, un remake ou un reboot permet de faire perdurer une œuvre dans le temps. Cela peut plaire comme déplaire, d'un côté certains peuvent être déçus par un manque de fidélité à la création originale, un manque de respect, une solution de facilité, etc. Puis, au contraire, d'autres peuvent apprécier la mise au goût du jour de ladite création et peuvent accorder le pardon aux défauts de cette dernière, s'il y en a. La mise au monde d'un remaster, d'un remake ou d'un reboot n'est pas synonyme de trépas pour l'original et au contraire, cela peut être une marque de respect ainsi qu'un pied d'entrée à la découverte d'un univers : cinématographique, vidéoludique, littéraire, ou simplement artistique.