Jouer sans peur : quand les jeux vidéo s'adaptent aux phobies

Jouer sans peur : quand les jeux vidéo s'adaptent aux phobies

Jouer sans peur : quand les jeux vidéo s'adaptent aux phobies

Les jeux vidéo sont souvent considérés comme une échappatoire à la réalité, une occasion de vivre des aventures et d’explorer des mondes imaginaires. Pourtant, pour certaines joueuses et certains joueurs, cette échappatoire peut devenir une source de peur et d’anxiété. Les phobies, qu’elles soient communes comme l’arachnophobie ou plus rares comme la thalassophobie, suscitent des émotions intenses et risquent de gâcher l’expérience de jeu. C’est pour cela que de plus en plus de jeux ont commencé à prendre en compte cette réalité en proposant des options et des paramètres pour désactiver certains éléments qui déclenchent des phobies ou peuvent rappeler des traumas.

Dans cet article, nous explorerons les différentes façons dont les jeux vidéo s’adaptent aux phobies pour permettre aux joueurs et aux joueuses de jouer sans peur.

Les phobies et les jeux vidéo

Les phobies sont des peurs irrationnelles qui sont déclenchées par des stimuli spécifiques, comme les araignées, les hauteurs, les eaux profondes et bien d’autres. Les phobies les plus courantes chez les joueuses et les joueurs de jeux vidéo sont généralement liées aux environnements, aux créatures et aux situations présentées dans les jeux.

Par exemple, l'arachnophobie est en mesure d’être exacerbée dans des jeux comme “Minecraft”, “Satisfactory”, “Star Wars Jedi: Survivor” et “Grounded” où les araignées sont des ennemis à combattre. Les personnes atteintes de thalassophobie sont susceptibles de ressentir de l'anxiété en jouant à des jeux tels que “Subnautica” et “Horizon Forbidden West”, qui présentent des environnements sous-marins et profonds. Les jeux comme “Dying Light 2” et “Mirror’s Edge”, quant à eux, sont à même de déclencher l'acrophobie en présentant des environnements en hauteur ou du vide par-dessus lequel il faut sauter.

Bien entendu, cette liste est non exhaustive puisqu’il existe un grand nombre de phobies.

Ces phobies ont des conséquences émotionnelles et physiques sur les personnes. L’anxiété et le stress causés par une phobie entraînent des symptômes physiques tels que des tremblements, des nausées ou des douleurs thoraciques. Ces symptômes amplifient à leur tour l’anxiété du joueur ou de la joueuse, créant ainsi un cercle vicieux. Ces personnes peuvent également avoir du mal à se concentrer sur le jeu, ce qui peut nuire à leur expérience de jeu globale et amener à une demande de remboursement.

Adapter les jeux vidéo aux phobies s’avère être un réel défi. Les phobies étant souvent irrationnelles et variées, il est compliqué de prévoir tous les stimuli qui pourraient les déclencher sur une personne qui joue au jeu. De plus, certains jeux vidéo sont conçus pour susciter des émotions intenses, ce qui peut être un frein à l’ajout d’options ou de paramètres pour désactiver certains éléments. Cependant, malgré ces défis, de nombreux jeux les proposent afin d'éviter d’être des déclencheurs pour les joueurs et les joueuses.

Les paramètres de désactivation de contenu

Ces options permettent de personnaliser l’expérience de jeu en désactivant les éléments déclencheurs de phobie, anxiété ou trauma. Dans certains jeux, vous êtes en mesure de remplacer des araignées par des créatures moins effrayantes (comme dans “Satisfactory” où les araignées sont remplacées par des chats), de les rendre totalement invisibles dans le jeu ou juste de diminuer les particularités physiques des araignées, comme dans “Grounded”. De même, si vous avez une phobie des fonds marins, vous pouvez (en fonction des jeux) désactiver les sections qui se déroulent dans des environnements aquatiques. Ou bien même avoir la possibilité d’avoir une meilleure vision et de respirer sans problème comme c’est le cas dans “Horizon Forbidden West”. D’autres jeux vous permettront également de supprimer les effets “jump scare” qui peuvent être présents.

L’avantage de ces options, c'est qu’elles sont activables et désactivables à tout moment pendant le jeu, ce qui permet de vraiment personnaliser son expérience de jeu en fonction de ses besoins. Ces paramètres ont été très bien accueillies par la communauté des joueurs et des joueuses, mais aussi par les professionnels et les professionnelles de l’industrie. Les personnes souffrant de phobies ou de traumatismes ont exprimé leur gratitude pour ces options, qui leur permettent de profiter des jeux vidéo sans crainte de déclencher une crise. 

Pour d’autres, c’est une très mauvaise nouvelle, ces derniers considèrent que ces options rendent le jeu plus facile, moins réaliste et donc moins immersif. Pour ces personnes, le challenge du jeu réside dans le fait de surmonter ses peurs, y compris les phobies. Il est pourtant important de rappeler que nous avons toutes et tous des différences et que les paramètres d’accessibilité, permettant de désactiver certains déclencheurs, sont une avancée importante pour un nombre de personnes.

Mais cela ne concerne pas que les phobies

Il faut savoir que les phobies ne sont pas les seules concernées, en effet, les scènes de violence graphique et les effusions de sang sont aussi prises en compte. Ces scènes sont capables de réveiller des traumas chez certaines personnes et le fait de les désactiver ou de les passer permet à tout le monde de profiter de sa meilleure expérience de jeu possible.

C’est pourquoi, certains jeux proposent des messages d’avertissement concernant les contenus sensibles qui vont apparaître à l’écran. C’est notamment le cas du remake de “Dead Space” qui, en plus d’avertir du contenu, offre la possibilité de flouter les scènes trop graphiques (le bémol est que l’audio reste tel quel…).

“The Last of Us Part II” a inclus des avertissements et des messages pour prévenir les joueuses et les joueurs de la présence de contenu violent et traumatique. Ces messages vont nous permettre de faire des choix éclairés sur notre expérience de jeu et éviter de nous exposer à des situations non consenties.

C’est aussi le cas du visual novel “Doki Doki Literature Club” qui avertit les joueuses et les joueurs des sujets potentiellement dérangeants au début du jeu et tout au long de l'expérience.

The Question of Content Warnings & Filters in Videogames - LudoNarraCon 2022

D’autres jeux seront capables de susciter des émotions intenses, comme l’anxiété et le stress. De même que pour les phobies et les traumas, des mécanismes existent dans certains jeux pour aider le joueur ou la joueuse à gérer ses émotions. 

Prenons l’exemple du jeu “Sea of Thieves”, ce dernier a inclus une option qui permet de réduire la musique de combat, ce qui peut vous aider à vous détendre lorsque vous faites face à des combats stressants. Il en va de même pour le jeu “Oxenfree”, qui a également des options pour régler la fréquence des événements surnaturels. “Les Sims 4” propose aussi une option qui permet de supprimer les évènements à même de générer de l’anxiété.

Mais d’autres jeux vont pousser le vice plus loin en ajustant la difficulté du jeu en fonction du niveau de stress de la joueuse ou du joueur. C’est le cas de “Nevermind”, un jeu d’horreur qui utilise le biofeedback pour mesurer le niveau de stress. Plus vous êtes calmes et plus le jeu sera simple, ce qui peut vous aider à gérer votre stress et anxiété d’une certaine façon.

Une nécessité d’informer

Les jeux vidéo ont le potentiel de proposer des expériences enrichissantes et divertissantes pour toutes les personnes, indépendamment de leurs peurs, traumatismes et anxiétés. Les studios ont un rôle crucial à jouer dans l'adaptation des jeux vidéo pour offrir des paramètres de désactivation de contenu, des mécanismes pour réduire l’anxiété et des avertissements pour prévenir les déclencheurs de peurs ou traumas. Et également de mettre en avant ces options pour permettre de s’informer dessus avant la sortie du jeu, tout comme pour les paramètres d’accessibilité. Car même si la signalétique PEGI peut donner une idée, elle n'est souvent pas suffisante et il est préférable de détailler le contenu présent dans le jeu pour éviter les mauvaises surprises.

Grâce à ces ajustements, les jeux vidéo peuvent être des outils utiles pour aider les joueurs et les joueuses à jouer sans peur, et à améliorer leur bien-être mental et émotionnel. L'avenir des jeux vidéo doit être inclusif, diversifié et accessible pour permettre à toutes et tous de profiter pleinement de cette forme de divertissement.


Sources :

 
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Noëlie
Noëlie

Je suis une ancienne frontend engineer, devenue consultante en accessibilité numérique. Je suis passionnée par l'inclusion et travaille avec des entreprises pour créer des expériences numériques accessibles à tous. En plus de mon travail de consultante, j'interviens également pour former les étudiantes et étudiants sur l'importance de l'accessibilité web. Je suis également intéressée par l'accessibilité des jeux vidéo et cherche à sensibiliser l'industrie à ce sujet.