Les jeux vidéo nous permettent de nous évader dans de nombreux univers, parfois réalistes, parfois fictifs, passés, présents ou futurs. Dans la majorité des cas, les joueurs incarnent un personnage qui va faire avancer le récit, un protagoniste masculin ou féminin. C’est à ces dernières que nous allons nous intéresser.
Afin de ne pas s'éparpiller, les héroïnes abordées dans le sujet seront issues uniquement de jeux où le choix et la création du personnage sont impossibles. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les jeux vidéo qui imposent une protagoniste, que l'on contrôlera tout au long de l'aventure.
Vis ma vie d'aventurière
L'une des héroïnes la plus connue de l'histoire du jeu vidéo est sans aucun doute Lara Croft de la série Tomb Raider débutée en 1996. Pour dire, en 2017 elle a été désignée « l'héroïne humaine de jeux vidéo la plus couronnée de succès » par le livre Guinness des records.
Bien évidemment chacune d'entre elles dispose de sa personnalité et de son caractère, elles ont une histoire qui les définit ou les définira. Certaines sont en quête de vérité (Aloy, Nilin, Faith, Aveline), d'autres de vengeance (Samus), ou de trésors (Chloe).
Plusieurs caractéristiques la définissent : elle est forte, courageuse, déterminée, futée, indépendante et intrépide, autant d’adjectifs définissant une bonne aventurière. Figurez-vous que ce sont des attributs que l'on retrouvent chez bon nombre d'héroïnes de jeux vidéo : Aloy dans Horizon Zero Dawn, Jade dans Beyond Good & Evil, Samus Aran dans Metroid, Chloe Frazer dans Uncharted the Lost Legacy, Aveline de Grandpré dans Assassin's Creed Liberation, Faith Connors dans Mirror's Edge, ou encore Nilin dans Remember Me.
Lara Croft dans Shadow of the Tomb Raider
Dans un article de Franceinfo traitant des héroïnes de jeux vidéo, l'enseignante-chercheuse Fanny Lignon de l'université Lyon-I fait une remarque intéressante :
« La plupart des personnages féminins ne font que se calquer sur des stéréotypes de force masculins. »
Il faut dire qu'effectivement, on retrouve un profil assez similaire chez nos protagonistes féminines : celui de la femme forte, athlétique et aventurière.
Alors attention, ce n'est pas un mal en soit, mais que faut-il y voir du coup ? Que pour être accepté auprès des joueurs et ne pas trop s'éloigner des héros très généralement masculins, il faut leur ressembler ?
Cela reste malgré tout très plaisant de voir de plus en plus de personnages principaux féminins, mais c'est vrai qu'il peut être difficile de fournir une héroïne ne répondant pas à ces critères. Beaucoup de jeux vidéo intègrent de l'action, de l'aventure, ainsi que de nombreuses phases de combat. Une tendance qui évolue depuis quelques années avec des jeux plus axés sur la narration qui peuvent amener à vivre des situations de la vie quotidienne, où il est plus aisé de s’identifier à notre personnage.
Des expériences qui favorisent l'attachement
Dans le jeu Life Is Strange sorti en 2015, on contrôle Maxine Caulfield, une étudiante à l’université qui se découvre un pouvoir de contrôle du temps. Ici, pas d'action ou de combat, mais plutôt une intrigue qui va mener « Max » à enquêter sur une disparition après avoir renouée avec son amie d'enfance Chloe Price. Le jeu nous met dans la peau d'une adolescente, nous fait découvrir ses passions, ses loisirs, ses petits secrets et ses problèmes de cœur. Tout cela renforce l'attachement que l'on peut avoir envers l'héroïne, on prend plaisir à s'identifier à elle sur certains points.
Dans un cas similaire, le jeu Beyond Two Souls sorti en 2013 nous fait vivre la vie de Jodie Holmes, qui possède des pouvoirs surnaturels. Le titre nous fait découvrir son histoire depuis son enfance (8 ans) jusqu’à l'âge adulte (25 ans). Le jeu prend le temps de nous présenter sa protagoniste et de la faire évoluer. En tant qu'enfant, elle est naïve, innocente, se laisse encore guider par les adultes et ne contrôle pas bien ses pouvoirs. Mais elle grandit, mûrit, apprend à se connaître et est vite confrontée à la vie d'adulte. Là encore, l'attachement en est que plus grand, au point que les émotions du joueur oscillent entre la peur, la joie ou la tristesse suivant les situations que vit Jodie.
Jodie Holmes, incarnée par l’actrice Ellen Page
De personnage secondaire à principal
Il arrive que certains personnages secondaires soient propulsés au rang de personnages principaux, parfois pour les besoins de la narration d'une licence, d'autres fois pour approfondir le développement et l’histoire dudit personnage.
Dans le premier cas, je pense notamment à Clemantine des The Walking Dead par Telltale Games. Dans le premier jeu, elle accompagne le joueur tout au long de l'aventure en tant que petite fille orpheline dans le besoin. Suite aux événements clôturant le premier opus elle devient l'héroïne dans le second, et autant dire que la petite fille a pris du galon. Plus mature et indépendante, on sent que les événements de la saison 1 ne l'ont pas laissée indifférente, et c'est avec grand plaisir que l'on suit la suite de son histoire.
Clemantine de The Walking Dead : Saison 1 (gauche), Saison 2 (droite)
Chloe Price de Life Is Strange a également eu le droit à ce traitement de faveur dans une préquelle au jeu d'origine. Dans Life Is Strange Before the Storm, Chloe est en pleine adolescence et va être confrontée à divers problèmes accompagnant cette période qui peut être dure à passer. Le personnage de Chloe avait marqué les esprits dans Life Is Strange de par son côté rebelle et désinvolte. Ici c'est intéressant de voir ce qui l'a menée à devenir celle que l'on connaît, les fréquentations, bonnes ou mauvaises, qu'elle a pu avoir, ainsi que sa relation avec Rachel Amber, la jeune fille disparue du premier opus.
Enfin, difficile de ne pas penser à Ellie de The Last of Us. Après une petite séquence de gameplay au commande de l'adolescente, un DLC lui accordant la place de protagoniste durant quelques heures était paru. Dans The Last of Us Part II, Ellie sera le seul personnage jouable selon les dires de Neil Druckmann, le directeur créatif du jeu. Et cela à bien évidemment de quoi ravir les fans. Déjà très appréciée dans le premier jeu, parfois plus que le personnage principal Joël, elle aura 4 ans de plus dans cette seconde partie, soit 19 ans. Et autant dire que la curiosité est de mise quant à l’évolution qu’a pu subir son personnage. On aura toujours affaire à une adolescente au caractère bien trempé, mais au même titre que Clemantine de The Walking Dead, le temps a passé et elle a dû gagner en maturité. Il ne reste plus qu'à attendre la sortie du jeu afin d'en dire davantage à son sujet.
Ellie dans The Last of Us Part II
Une diversité sur la bonne voie
Une chose est sûre, incarner des protagonistes féminines devient de plus en plus fréquent, et ces dernières ont une personnalité et une identité plus fortes qu'auparavant. Comme nous l'avons vu, le type de jeu influe beaucoup sur la personnalité des héroïnes et l'attachement des joueurs envers elles. Tout cela évolue, et les jeux d’actions ne sont pas pour autant mis sur la touche, Lara Croft en est un parfait exemple : depuis le reboot de la saga en 2013, le personnage de Lara a mis de côté ses caractéristiques stéréotypées afin de laisser place à une aventurière plus authentique à la psychologie complexe. Le cas de Senua dans Hellblade : Senua’s Sacrifice est également très intéressant, elle dispose certes des caractéristiques citées au début du sujet, mais elle est la proie à de terribles psychoses, un état psychologique rare dans le jeu vidéo. Ce détail peu anodin lui donne une place de choix parmi les héroïnes de jeux vidéo et la fait se démarquer fortement.
Le chemin qui était autrefois semé d’embûches s'émancipe peu à peu et laisse place à une industrie plus diversifiée que jamais, en sortant peu à peu des sentiers battus.