Les genres du jeu vidéo : Les platformers

Les genres du jeu vidéo : Les platformers

Les genres du jeu vidéo : Les platformers

Cet article est le premier d’une longue série où l’on discutera des genres du jeu vidéo, de leurs évolutions, jeux phares et chiffres clés. Mais qu’est ce qu’un genre ? Bien que la définition ne soit pas exacte, il est souvent considéré comme un ensemble de jeux ayant un gameplay similaire. Dans la majorité des cas, les genres se résument à Action, Aventure, Jeu de Rôle, Simulation, Stratégie et Sport. Pour des raisons pratiques, je vais plutôt aborder les sous-genres comme les RPG, Hack’n’Slash, Rogue-Like et autres. Mais la classification des sous-genres ne faisant pas l’unanimité, mon classement lors de cette série sera donc subjectif. Aussi, certains jeux peuvent se retrouver dans plusieurs genre comme Skyrim (2011, Bethesda) qui appartient tant à la catégorie Action qu’à la catégorie RPG. J’ai donc fait au mieux pour regrouper les jeux afin que mes exemples soient compréhensibles et pertinents.

Épisode 1 : Les platformers

Comment mieux démarrer une série comme celle ci qu’en parlant du genre le plus connu de tous : le platformer. Dans ce type de jeu, le joueur doit évoluer dans un monde ou les plateformes et obstacles sont omniprésents. Le mouvement le plus important du genre est le saut, qui, s’il est maîtrisé par le joueur, lui évitera de nombreuses chutes et rencontres mortelles. D’autres mécaniques peuvent aider le joueur à se déplacer dans l’espace, comme le grappin dans Flinthook (2017, Tribute Games), ou encore les ressorts dans Sonic (1991, Sega). Tous les jeux où les sauts sont présents mais pas indispensables ni punitifs, ne rentrent pas dans la catégorie des platformers, comme dans la série des Counter-Strike (2000, Sierra Studio).

L’origine du platformer

Il fit son apparition dans le début des années 80 grâce à deux jeux qui sont souvent considérés comme les prémices du genre mais qui ne rentrent pas dans la définition actuelle  du platformer. L’un deux est Space Panic (1980, Universal) où le joueur doit éliminer des aliens tout en évoluant sur des plateformes et échelles. Dans le second jeu, Crazy Climber (Nichibutsu, 1980), le personnage doit escalader un immeuble tout en évitant les objets qui tombent et les fenêtres qui s’ouvrent brusquement.

Quant à Donkey-Kong (1981, Nintendo), il est le premier jeu du genre grâce à sa mécanique de saut couplée aux plateformes qui aident le joueur à atteindre l'objectif. Shigeru Miyamoto, créateur du jeu et concepteur de jeu-vidéo pour Nintendo, eut l’idée en regardant un épisode de Popeye appelé “A dream walking”. Dans ce dernier, Olive (la fiancée de Popeye) est somnambule et s’expose à de nombreux dangers alors qu’elle traverse un chantier de construction. Popeye s’en rend compte et fait alors tout son possible pour la sauver sans la réveiller. Cet épisode inspira les mécaniques du jeu et le lore grâce à la rivalité amoureuse permanente entre Popeye et Bluto (l’antagoniste) qui se battent pour séduire Olive, assez volage en terme de sentiments.

Shigeru Miyamoto créa donc un jeu où Popeye doit traverser de nombreux obstacles pour reconquérir sa dulcinée Olive aux bras de son rival Bluto. Malheureusement, il apprendra plus tard que Nintendo ne pouvait pas avoir les droits pour la licence Popeye et créa trois personnages que Nintendo sera libre d’utiliser sur d’autres jeux : Donkey Kong, Pauline et JumpMan étaient nés. Jumpman restera nommé ainsi au Japon, mais sera renommé Mario aux États-Unis pour un meilleur marketing.

L’apparition lente du scrolling

Les jeux à défilement (ou scrolling) sont caractérisés par un gameplay 2D où le personnage peut se déplacer horizontalement ou verticalement. Le niveau est alors plus grand que le champ de vision du personnage et le joueur doit avancer dans le sens du défilement afin d’atteindre l’objectif. Il peut être retrouvé dans de nombreux genres comme les Shoot’em Ups, les jeux de course, ou encore les Beat’em ups. Si le scrolling est un standard du platformer 2D de nos jours; de nombreuses années furent nécessaires pour le démocratiser. Sorti quelques mois après Donkey Kong, le tout premier jeu qui utilisa cette mécanique dans un jeu de plateformes est Jump Bug (1981, Alpha Denshi). Le joueur a pour objectif d'éliminer de nombreux ennemis alors qu’il manie une voiture qui saute constamment. Les sauts ne peuvent pas êtres stoppés, mais leurs hauteurs et directions peuvent être contrôlées à l’aide du joystick.

Quelques platformers avec scrolling firent leur apparition sur Atari et Commodor 64 au début des années 1980, comme en témoignent Moon Patrol (1982, Irem) et Pac-Land (1984, Namco). Mais le genre met du temps à se démocratiser en raison des limitations techniques des consoles de salons, qui ne supportent pas le scrolling lissé (l’écran avance au fur et à mesure avec le personnage, sans à-coups).

Chez Nintendo, le scrolling lissé ne fut pas une priorité au départ. Donkey Kong Jr. (1982, Nintendo), est un platformer sans scrolling au gameplay très semblable à Donkey Kong. Il ajoutera néanmoins une mécanique importante aux platformers : les lianes qui permettent de s'agripper et de gagner de la hauteur. Donkey Kong Junior doit se servir de ces dernières et des plateformes pour aller sauver son père enfermé dans une cage. C’est lors de cet opus que Mario apparaîtra pour la première fois partout dans le monde avec son nom définitif. C’est également le seul jeu de Nintendo où il ne sera pas le héros, mais l’antagoniste.

Un an plus tard sortira Mario Bros. (1983, Nintendo) avec Mario et Luigi comme personnages principaux. Plombiers de métier, ils doivent alors débarrasser les égouts de New York des créatures envahissantes. Une fois de plus, les niveaux n’offrent pas de scrolling mais deux nouvelles mécaniques bien connues dans la série des jeux Mario sont créées. La première est l’apparition des tortues qui nécessitent deux coups pour être éliminées. Le joueur doit alors frapper la tortue par dessous afin de la retourner, puis lui sauter dessus pour l’éliminer. La seconde nouveauté est le bloc POW, qui permet de retourner toutes les créatures en une seule fois.

Les plombiers siphonnent les ventes :

A cette époque même si les jeux de plateformes sont présents, ce sont les shooters qui sont mis à l’honneur à l’instar de Space Invaders (1978, Taito) ou Duck Hunt (1984, Nintendo). Mais c’était sans compter sur l’apparition de Super Mario Bros. (1985, Nintendo) qui révolutionna toute l’industrie vidéo ludique. Il accumula 40 millions de ventes toutes consoles confondues, un chiffre inimaginable à l’époque quand The Legend of Zelda (1986, Nintendo) et Pac Man (1982, Namco) accumulèrent respectivement 6,5 et 7 millions d’exemplaires vendus. Près de trente-cinq ans plus tard, il est le huitième jeu le plus vendu de tous les temps.  

Si Super Mario Bros fut un tel succès, c’est notamment parce qu’il pouvait être joué par tout le monde, initiés aux jeux-vidéo ou non. Il est en effet très facile à prendre en main mais il reste exigeant en terme de vitesse d'exécution dans les niveaux les plus difficiles. Il intègre toutes les mécaniques existantes du platformer, et en ajoute même de nouvelles grâce aux Powers-ups rencontrés ou encore aux pièces qui repoussent le Game Over en ajoutant une vie pour chaque centaine de pièces ramassées.

Concernant l’histoire du jeu, le joueur arrive dans un monde où il ne connaît rien; seul Mario est familier si il a joué à Donkey Kong auparavant. L’histoire du jeu est rapidement délivrée au joueur : Les habitants du monde champignon ont étés transformés en objets inanimés par un groupe de Koopas. La seule personne capable de briser le sort est la Princesse Peach (ou Princesse Toadstool pour les versions non japonaises), mais elle est emprisonnée dans le château du Roi Koopa : Bowser. Mais de nombreux éléments ne sont pas expliqués et laissés à la libre interprétation du joueur. Pourquoi les Koopas s’en prendrait au Royaume champignon ? Pourquoi les mondes que l’on traverse sont si différents les uns des autres ? Qu’est-ce qui les relient ? Le joueur peut choisir de créer sa propre histoire au fur et à mesure qu'il avance dans le jeu.

De plus, ce monde très mystérieux renferme de nombreux secrets bien cachées. N’importe quel tuyau peut renfermer un passage secret vers des pièces et de nombreux cubes invisibles permettent d’atteindre des raccourcis, seulement accessibles aux plus curieux  ou aux chanceux. Le joueur est donc invité à découvrir à son rythme en fonction de ses préférences et de ses capacités : rapide pour certains qui recherchent un challenge, plus lent pour les autres à la recherche de secrets ou d’indices pour en savoir plus sur l’histoire.

Enfin, le jeu fut créé pour la NES, la console la plus vendue de sa génération. Toutes ces qualités ont fait de ce jeu un succès mondial et il reste un exemple de réussite encore aujourd’hui.

L’explosion du genre :

Pendant les années qui suivirent, de nombreux éditeurs s’aventurèrent sur des jeux de plateformes, dans l’espoir d’égaler notre plombier favori. Sega par exemple se lance immédiatement dans la production des séries Alex Kidd (1986, Sega) et Wonder Boy (1986, Escape). C’est aussi durant la fin des années 80 que les jeux d’aventures intégrèrent des mécaniques de platformers à l’exemple de Metroid (1986, Nintendo) ou encore de Mega Man (1987, Capcom).

Le début des années 90 sera alors marqué par l’arrivée des consoles 16 bits. Le platformer étant le genre le plus vendu sur les consoles de salons, il était inconcevable pour les éditeurs Sega et Nintendo de sortir leurs consoles sans un jeu du genre associé. La sortie de la Super NES de Nintendo fut accompagnée de Super Mario World (1990, Nintendo), très attendu mais possédant des mécaniques similaires aux opus précédents. Quant à Sega, ils créent un nouveau personnage qui pourrait servir de mascotte, Alex Kidd n’ayant pas réussi à remplir ce rôle. C’est alors qu’ils créent Sonic (1991, Sega), un platformer unique par son gameplay avec un hérisson anthropomorphe éponyme comme personnage principal. Les stages gigantesques jonchés de ressorts et d’obstacles et la vitesse de déplacement imposée par le hérisson bleu invitent le joueur à découvrir la physique impressionnante du jeu et les capacités de la console.
La vente étant axée vers un public plus âgé que celui de Nintendo, Sega donna un caractère de rebelle à Sonic. Le jeu fut un succès pour la firme avec plus de 15 millions de ventes face à l’opus de la série phare de Nintendo, Super Mario World, qui accumula 20 millions de ventes un an plus tard. Tout comme Nintendo, Sega utilisera alors leur mascotte pour de nombreux jeux dans le futur.

Le genre continuera de fleurir pendant plusieurs années sur consoles portables et de salons via des jeux comme Donkey Kong Country (1984, Nintendo) mais sans proposer de réelles nouvelles innovations. Mais pour la seconde fois, le genre va être réinventé par l’arrivée de nouvelles consoles plus puissantes.

La troisième dimension

Entre 1984 et 1986, la cinquième génération de consoles arrivèrent sur les marchés du jeu-vidéo : la Playstation de Sony, la Sega Saturn  de Sega et la Nintendo 64 de Nintendo. La guerre des consoles faisant rage, les trois fabricants se forcèrent à sortir leur jeu phare avant 1997 afin de rester compétitif. Sony publia Crash Bandicoot (1996, Naughty Dog) en collaboration avec Naughty Dog, qui fut bien reçu par le public grâce à son visuel unique. Sega, quant à lui, avait prévu de publier Sonic Xtreme mais ce dernier fut annulé suite à un développement chaotique.

Mais une fois de plus, c’est Nintendo qui vend le plus d’unités grâce à Super Mario 64 (1996, Nintendo). Mario est de retour en 3D et défini le standard du platformer 3D. Les joueurs ne sont plus limités par la perspective et sont libres de visiter le monde comme ils le souhaitent grâce à une nouvelle génération de caméra intelligente. Cette dernière suit le joueur intelligemment pour lui permettre de changer d’axe de déplacement facilement, mais elle est également contrôlable par le joueur via un stick analogique. Absent des manettes depuis plus de 10 ans, le stick est devenu un standard sur toutes les consoles avec la popularité des jeux 3D.

Pour inciter le joueur à visiter le vaste monde de Super Mario 64, Nintendo ajouta de nombreux collectibles dans les niveaux. Facultatifs ou non, ils récompensent les joueurs les plus curieux. De nombreux éditeurs ont copiés cette idée pour augmenter la durée de vie de leurs jeux, à l’exemple de Spyro le Dragon (1998, Insomniac), Banjo-Kazooie (1998, Rare), ou Donkey Kong 64 (1999, Rare) dans la fin des années 90.

Le platformer au 21e siècle

Depuis plus de vingt ans, le genre perd de sa popularité face à de nouveaux genres rendus possibles grâce aux ordinateurs et consoles de plus en plus puissants. Malgré tout, des séries comme Mario ou Kirby (1992, HAL Laboratory) continuent de séduire le public, et des jeux comme Battleblock Theater (2013, The Behemoth), UnRavel (2016, Coldwood Interactive) ou encore LittleBigPlanet (2009, Media Molecule) prouvent qu’on peut encore être innovant dans la plateforme 2D. Mais ces jeux ne sont pas des platformers à proprement parler, ils mêlent différents genres pour offrir un gameplay original et vendeur.

Le mélange des genres puzzle et platformers a permis la création de jeux comme Portal (2007, Valve) et Fez (2012, Polytron Corporation). Le run and gun, quant à lui, provient des shoot'em ups et est fortement inspiré des jeux arcades. Broforce (2015, Free Lives) en est un exemple de réussite. Enfin, le genre MetroidVania représente la fusion du genre platformer avec les jeux d’aventure.

Un nouveau type de platformer fit son apparition avec  la démocratisation des jeux mobiles : le runner. L’objectif est simple : aller le plus loin possible sur un niveau infini. Souvent très simples par leur contrôles, la difficulté réside souvent dans la rapidité d'exécution. Les jeux les plus connus de la catégorie sont Temple Run (2011, Imangi Studios), Subway Surfers (2012, Kiloo) ou encore Jetpack Joyride (2011, Halfbrick Studios).

Le  platformer a connu son apogée pendant la fin des années 80 et le début des annés 90. Avec l’arrivée récente de nouveaux genres comme le Moba et le Battle Royale, le platformer n’a plus le même attrait sur le public. Certains platformers arrivent toujours à attirer les joueurs par leur difficulté extrême, à l’exemple de Super Meat Boy (2010, Team Meat) et Celeste (2018, Matt Makes Games), mais les développeurs ont souvent recours à d’autres genres pour garantir une certaine popularité. Et vous, pensez-vous que de nouveaux platformers arriveront à se démarquer dans le futur, notamment grâce à l’apparition de nouveaux genres offrant de nouvelles mécaniques; ou le genre est-il dépassé ?


Sources :

La chaine de P.A.U.L : PVR #25 : GUNPEI YOKOI - L'INVENTEUR DE LA GAME BOY
Les jeux de plates-formes
Why Super Mario Bros. Was So Successful

 
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Kiremya
Kiremya

Étudiant en Master en sciences de l'environnement. Amateur de Rogue-like et de TCG. Fan d'horreur. Les ratons laveurs domineront l'Internet.